Slim Dhib : "Ce que je cherche, c’est la liberté et la dignité pour que je puisse m’exprimer artistiquement sans contraintes" - Portrait d'un artiste pas comme les autres
- Mohamed Ali Elhaou
- 11 oct.
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Dernière mise à jour : 12 oct.
Slim Dhib est né le 12 septembre 1994. C’est un comédien élégant et intellectuel. Il a sa façon à lui de prononcer les mots et de mettre en ordre ses phrases, c’est ce qui fait son charme et sa personnalité à la fois comme comédien et aussi dans la vraie vie.
Culturetunisie.com l’a rencontré le 13 septembre, à la rentrée théâtrale. Il est l’un des espoirs du monde dramatique dans notre pays, c’est la relève de Fethi Haddaoui ou encore du bel acteur Mustapha Adouani de notre point de vue.
Dans la dernière décennie, à chaque fois qu’il y a un travail artistique de qualité, il y a son nom parmi l’équipe des comédiens. Sur le plan de la formation, il a débuté une formation à l’Institut supérieur d’art dramatique à Tunis (ISAD) en 2015, qu’il n’a pas terminée d'ailleurs, et il est allé faire l’École de l’acteur, dès sa création en 2017, pour être parmi les premières promotions du Théâtre national tunisien (TNT).
De nature, il a une facilité dans l’incarnation des personnages et une aisance qui coule de source dans l’apprentissage des textes. Slim Dhib a un tempérament calme sur scène, il est capable d’improviser et de changer de mode de performance sans problème : de la colère brutale à la douceur, au rire.

Cet artiste de l’art de la scène qui a collaboré avec les grands noms du monde de l’art vivant, notamment Fadhel Jaziri, qu’il considère comme son parrain dans ce milieu, dans quatre pièces, entre autres, à savoir "Au violon", "Kaligula 1" et "Kaligula 2"; outre une autre pièce qui s’appelle "Asile Afrique", qui n’a pas vu le jour, malheureusement.
Il a joué et collaboré également avec le formidable comédien Jamal Madani, notamment dans la pièce de théâtre "Mhayer Sika" sortie en 2024.
Dans le cinéma, il a bel et bien participé au dernier film de Mourad Ben Cheikh "Asfour Jenna", sorti en 2024 ainsi que dans plusieurs films du talentueux réalisateur Ala Eddine Slim : "Agora" en 2024, "Tlamess" en 2019 et "The Last of us" en 2016, à côté de ce que culturetunisie.com dénomme le "Socrate de l’art de l’acteur arabe", Fethi Akkari. Les œuvres de Slim Dhib sont encore bien multiples.
De près, Slim Dhib est un comédien très humble, il s’amuse quand il joue des rôles et n’a pas la prétention de changer la société comme le pensent plusieurs intellectuels dans le monde qui préconisent l’art comme moteur du changement social et levier de mutation des mentalités. En ce sens, Slim n’est pas un rêveur, il appréhende son métier avec beaucoup de réalisme en ayant la tête bien pesée sur les épaules.
Slim Dhib vise, de surcroît, une carrière internationale tout en étant installé en Tunisie. Il pense que c’est possible, il est optimiste quant à son propre avenir même s’il n’a pas réalisé l’ensemble de ses objectifs pour l'instant.
Plus explicitement, il veut avoir la possibilité, de manière sans tracas administratifs, de faire un casting pour des projets étrangers, mais en même temps, il veut garder un ancrage artistique avec le public tunisien qu'il ne veut pas quitter.
Il pense que le monde se ferme de plus en plus, et qu’il y a une espèce d’amalgame qui obstrue, en partie, la carrière des artistes appartenant aux pays du Sud.
"Ce que je cherche, c’est la liberté et la dignité pour que je puisse m’exprimer artistiquement sans contraintes de mobilité géographique, je ne veux pas être handicapé dans mon élan de création, comme c’est le cas de la plupart de nos aïeux dans le domaine." Concrètement, ajoute-t-il, "j’ai eu plusieurs opportunités de projets artistiques à l’étranger et, à plusieurs fois, il y a le problème de visa qui se pose, notamment lors des déplacements en Europe".
Le métier de comédien encore en quête de reconnaissance
Une problématique lui tient à cœur : la situation de l’artiste dans notre pays. Selon lui, le fait qu’un comédien travaille sur 4 pièces en même temps, est quelque chose d’ordinaire, surtout pour un artiste qui veut vivre de l’acting, de la présence sur scène, du rendement, que ce soit à l’écran ou bien devant un public lors d’une représentation d’art vivant.
Même si à plusieurs reprises, il est tenté de quitter le pays, au fond de lui-même il veut se battre dans le champ tunisien malgré ses difficultés et ses impasses. Celles-ci poussent à la déprime, à maintes reprises. Son choix est orienté, sans aucune hésitation, vers l’art véritable, art porté, entre autres, par le cinéma ou bien le théâtre.
Autrement dit, son choix artistique s’oriente bien plus sur les films et les pièces de théâtre que sur les feuilletons diffusés pour le large public. Dans sa vie de tous les jours, il se consacre complètement au métier de comédien, il ne veut, en l'occurrence, faire autre chose que d’être acteur ou comédien. Il ne veut pas enseigner par exemple. Ce qui lui donne une amplitude de temps pour bien puiser dans les textes qui lui sont proposés.
Slim Dhib prend son temps pour construire en profondeur ses personnages et adore les répétitions pour la découverte des différents détails du personnage préparé.
Toutefois, explique-t-il : "Le fait de faire ce choix est très coûteux en termes de difficultés à pouvoir mener une vie digne et stable pour quelqu’un qui se considère comme un intermittent de spectacle, c’est-à-dire quelqu’un qui est talentueux mais qui n’est pas reconnu en tant que tel par l’État, tout d’abord en matière de rémunération stable et pérenne."
Il ajoute : "La meilleure rémunération sur une seule représentation peut aller au maximum jusqu’à 300 dinars (80 euros), ce qui est très peu pour un comédien qui ne vit que de ça. Mon obsession, aujourd’hui, c’est de vivre de mon métier. Je refuse de faire des petits boulots. J’ai maintenant un peu plus de trente ans, je veux faire des sacrifices que pour mon métier de comédien et pas autre chose. Même si j’ai une carte professionnelle de comédien, cela ne me donne pas des avantages pécuniaires. Aussi, je ne suis pas intéressé par la publicité comme font mes collègues. Je suis quelqu’un qui choisit ses projets, je ne me mets pas n’importe où."
Slim Dhib se projette de fait sur la longue durée. Il veut être reconnu peu à peu. Il ne cherche pas la célébrité vide et éphémère, c’est-à-dire sans substance de contenu véritable, qui devient la norme notamment sur les plateformes numériques.
Il veut que son "âge artistique" soit long refusant toute forme d’étiquetage dans les rôles. Phénomène très courant chez certains réalisateurs de télévision où le comédien joue presque le même rôle durant 20 ans, voire plus, sans aucun effort intellectuel, ceci s’il est sollicité déjà.
Ce qui le conduit à refuser certaines propositions qui lui viennent du monde de la télévision, notamment ce qu'on appelle aujourd'hui les sitcoms.
Son actualité
Slim Dhib dit qu’il est en préparation d'un spectacle avec Chokri Ben Chikha, un metteur en scène tuniso-belge. La pièce en question s'élabore actuellement à petit feu. Sa sortie est prévue pour le 17 octobre 2025, dont le titre est "Dignity", en français dignité, qui peut signifier en arabe, si elle est traduite littéralement, "Ma vie".
C'est une œuvre qui se situe dans un intervalle de temps posé entre les années 1920 et 2025. Elle se cale donc sur la longue durée, un siècle. Son écriture collective, lors d’une résidence artistique à Dar Bach Hamba, a débuté en mai 2025 où une équipe de comédiens avec le metteur en scène Chokri Ben Chikha a commencé à travailler la dramaturgie et les personnages.
Cette représentation s’annonce politique par excellence. Elle évoque, tour à tour, le passé colonial, le racisme en Tunisie, la politique de l’État quant à l’immigration et aussi vis-à-vis des directives de l’Union européenne.
C’est une œuvre qui a été jouée auparavant en Afrique du Sud, au Pays-bas. Elle va être tunisifiée, selon Slim Dhib. Son modèle c’est qu'elle tend vers l’universalité, elle a été jouée dans plusieurs endroits de la planète et, à chaque fois, avec des détails différents liés au contexte spécifique de chaque pays.
Quand il a plusieurs projets en même temps, il dit qu’il a appris à bien gérer son temps ainsi que son énergie. C’est un art de la partition de son planning, car dans le contexte tunisien, plusieurs expériences dramatiques se programment de manière floue et le plus souvent dans la rapidité pour ne pas dire à la dernière minute.
Quant à son actualité cinématographique, Slim Dhib participera en tant que comédien, voire en tant qu'assistant réalisateur, dans un court-métrage et potentiellement un long-métrage, notamment avec le réalisateur Sami Zitouni.
Ce dernier était assistant réalisateur d’Abdellatif Kechiche dans son fameux film "La graine et le mulet", sorti en 2007, ou encore "La faute à Voltaire" en 2000.
"Je travaillerai avec lui, entre autres, dans son court-métrage "Seconde main", affirme-t-il. "Avec Sami Zitouni, j'ai un projet de long métrage en cours, à côté de plusieurs autres projets qui prennent forme pas à pas", ajoute-t-il pour conclure.









































Quel article et quel comédien ! Je croise les doigts pour lui...bonne continuation