Balti lors de la 59 édition du Festival de Hammamet : quand le bitume devient poésie
- Imen Swilmi
- 6 août
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 5 jours
Le vétéran du rap tunisien, Mohamed Salah Balti, au milieu de sa quarantaine, est monté sur scène avec vingt minutes de retard lors de la 59 édition du Festival de Hammamet. Vingt petites minutes qui ont semblé longues dans la brume des projecteurs. Mais quand cet artiste charismatique est apparu, la foule — immense, brassée d’âges et de visages — a tout oublié. Il fut accompagné de jeunes danseuses et danseurs qui mettaient en chorégraphie jeune et dynamique les mélodies de ses chansons que la population connaît sur les doigts de la main. Oui, mélodies, même s'il y avait un DJ et pas un chef d'orchestre et des instruments. C'est bien ceci la musique dite moderne.

Il était là, l’homme au flow musical rugueux, au cœur tendre et à la voix cassée. La magie, sans prévenir, n'a pas tardé à opérer son effet sur les esprits des nombreux spectateurs venus voir leur idole. À Hammamet, ce 4 août 2025, le public n’était pas simplement venu écouter, mais plutôt partager un vécu commun plein de souvenirs dans une Tunisie qui a donné son oreille à cette forme musicale déchaînée, directe et franche à partir de 2011.
Ainsi, le public est venu appartenir à une expérience commune qui rassemble les différentes générations. Il est venu savourer un chant qui marque des tranches de son existence. En même temps, les festivités sont un moment d'être ensemble : répéter en chœur des refrains tatoués dans les mémoires tels que Yalili ya Lilla, Ya Galbi, Ya Hasra, Jey Men El Rif Lel Aasima, Douza-douza et bien d'autres morceaux qui ont fait la bonne réputation de Balti, maintenant au sommet de son art depuis au moins deux décennies. En ce sens, il n'a pas manqué de donner lors ce concert à deux autres jeunes rappeurs prometteurs, notamment à Hamouda l'artisan avec lui de Yalili ya Lilla qui a dépassé sur les plateformes numériques le 1 milliard de vues.
Les paroles des pièces de Balti narrent des histoires qui sentent la poussière des quartiers, les rêves cabossés, l’amour brut et authentique, les douleurs silencieuses que cet artiste a su mettre en avant telles que l'échec de l'immigration, l'infidélité, l'assassinat du temps qui passe et les colères qui grondent dans les ventres.
Balti, c’est ce poète de ruelles, des quartiers difficiles mais de plus en plus du citoyen ordinaire tout court. Ce passeur de vérités crues, qui ose dire le réel en dialecte tunisien, sans maquillage, c’est bel et bien là sa force.
Sur les planches de Hammamet, il a fait hommage à la souffrance palestinienne, notamment à travers le morceau fruit de la collaboration avec l'artiste Elyanna, à savoir : Ghareeb Alay.
Désormais, Balti n'est pas uniquement un rappeur qui disparait avec le passage du temps, c'est un artiste à part entière, un poète qui manie bien le verbe avec tact et aisance et dans la langue des siens.
Grâce à sa persévérance sur la longue durée et à une stratégie médiatique qui évite d’apparaître dans des interviews de manière excessive, Balti a réussi à transformer les mots de tous les jours en des symboles traversant les frontières.
Ainsi du Festival de Mawazine à Rabat au Zénith de Paris à plusieurs autres scènes à travers le monde, ce chanteur, sans aucun doute international, parti de rien, cumule des millions de spectateurs et de fans, sans filtre ni fard. Durant le spectacle de Hammamet, il a pris le temps de s’arrêter pour les enfants, de sourire, de tendre la main pour un selfie volé. Il sait qu'il doit rester proche de son public. C'est véritablement un artiste populaire, sans posture, sincère, même quand il tarde.
Certains des présents à son spectacle mentionnent le retard comme une fausse note rédhibitoire. D’autres affirment qu'il aurait dû imaginer une orchestration avec des instruments, comme il a déjà fait l'année dernière au Festival de Carthage. En effet, malgré ces bémols, Balti a su, comme toujours, toucher son public, le séduire et le faire vibrer.
Balti, le soir du 4 août, n’a pas seulement chanté, il a cousu son public dans une chanson. Et c’est ce dernier, à la fin, qui est reparti avec les paroles brodées sur le cœur.
Il est magnifique cet article d'Imen Swilmi