Le réalisateur Nidhal Chatta : "Me trouver sur un plateau de tournage était pour moi une révélation, un éveil et une illumination"
- Mohamed Ali Elhaou
- il y a 9 heures
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Dernière mise à jour : il y a 2 minutes
Nidhal Chatta est parmi les réalisateurs phares qui ont marqué la scène cinématographique tunisienne, notamment avec des films qui jettent une lumière différente et singulière sur notre société et ses remous.
Sa force, se sont des plans magiques et des comédiens qui deviennent éloquents même sans parler et des personnages qui s'expriment dans le non-verbale et dont la personnalité apparaît à travers l'environnement dans lequel ils vivent.

Le réalisateur Nidhal Chatta s’est fait connaître, entre autres, avec des films comme Kool Elttrab (1999) avec Fethi Haddaoui et Lotfi Abdelli, un film qui a mis 18 ans pour voir le jour dans les salles, outre le film très poignant et réaliste Mustapha Z (2017), avec l'attirante actrice Fatma Nasser et le talentueux acteur Abdelmonem Chouayet et , dont la moitié de ce long-métrage est tournée dans une voiture, et plus récemment son chef-d’œuvre Galb Hjar avec, entre autres, les magnifiques comédiens Mohamed Dahech et Oumaima Bahri.
Culturetunisie.com a voulu l’interviewer, lui le metteur en scène, et aussi, principalement, le formateur dans le monde de l’art dramatique et plus particulièrement l’art cinématographique, pour connaître à la fois son actualité et son savoir-faire, d’autant plus qu’il vient de mettre en place un nouvel espace "Cinemasters", une académie de l’acteur située au 6 rue Cité El Mahrajène, à Cité El Mahrajène, Tunis, dédié à la profession du cinéma et, en particulier, à la préparation au métier d’acteur.
Tout d’abord, d’où vient Nidhal Chatta et pourquoi le cinéma ?
Je suis arrivé au cinéma par la photographie et la prise de vues sous-marines. Je suis écologiste et océanographe de formation, instruit au sein de la prestigieuse Loughborough University of Technology au Royaume-Uni. J’ai eu la chance de réaliser mon premier court-métrage, "L’Horizon englouti", avec 2 des opérateurs sous-marins de l’équipe du fameux "Commandant Cousteau", personnage emblématique et grand aventurier dont le travail a été très acclamé, notamment dans les années 80 et 90.
C’est ainsi que j’ai pu faire mes premières armes dans le monde du 7ᵉ art. J’ai ensuite enchaîné avec 3 autres courts-métrages et la réalisation de plus de 125 films publicitaires. Mon premier long-métrage "Koul Ettrab" (No Man’s Love) a été tourné avec le concours de mon ami l’acteur international Terry Forrestal qui a joué dans Superman, Brazil, James Bond, Raiders of the Last Ark et Titanic).
Aussi, Mike Valentine, l’un des plus grands directeurs de la photographie sous-marine du monde qui a participé à des œuvres telles que The Beach, Casino Royale, Assassin’s Creed, m’a aidé à donner vie à mon premier long film dans lequel il y avait Lotfi Abdelli et Fathi Haddaoui comme protagonistes.
Dans ce film, Fathi Haddaoui a obtenu le prix du meilleur acteur dans un 2nd rôle et moi-même le prix du meilleur premier film, notamment à première projection aux journées cinématographiques de Carthage en 2001. Par la suite, le film mettra 16 ans pour voir le jour dans les salles de cinéma.
J’ai aussi eu le privilège d’étudier la direction d’acteurs avec John Strasberg, fils de Lee Strasberg et cofondateur avec Elia Kazan du mythique Actors Studio aux États-Unis. Me trouver sur un plateau de tournage était pour moi une révélation, un éveil et une illumination. Le cinéma m’apparaissait donc comme une concentration absolument fascinante de toutes les formes d'art et de tous les savoir-faire.
En quoi le cinéma de Nidhal Chatta est différent et comment vient de façon générale le projet d’un film, qu'il soit long ou court ?
Je suis assez éclectique dans mes choix de films et ma filmographie le montre plutôt bien, de "Koul Ettrab" qui raconte l’aventure d’un jeune Tunisien en rupture de ban jusqu’à "Silentium" qui traite des violences faites aux femmes, un film que nous avons voulu sans concession Sophia Haoues ma scénariste et moi-même.
En outre, j’accorde énormément d’importance à l’image, que je travaille très en amont avec mes directeurs de la photographie. Je répète également beaucoup avec mes acteurs, 6 à 8 semaines, avant le tournage proprement dit. C’est la véritable clé de mon travail de réalisateur et de metteur en scène.
En ce qui concerne le deuxième volet de ta question, je dirais que le projet d’un film peut arriver de différentes manières : une image, une lecture, une rencontre, une aventure en dehors du temps. Je suis ouvert aux propositions lorsqu’elles émanent de personnes que j’aime et que je respecte.
Nidhal Chatta se considère-t-il comme un cinéaste indépendant ?
Oui, on peut dire cela, je suis à l’évidence un cinéaste indépendant. Et indépendant veut plutôt dire libre. Je travaille avec des partenaires formidables, notamment mon producteur Luc D’Alessandro et ma productrice et amie de longue date Dominique Laisney avec qui nous sommes en train de développer trois nouveaux projets de longs-métrages.
Culturetunisie.com a entendu que vous avez créé un nouvel espace culturel ? Comment s’appelle-t-il et de quoi s’agit-il plus particulièrement, notamment par rapport à votre public-cible ?
Oui en effet. Cette initiative est née du désir de disposer d’un espace dédié à l’art de l’acteur sous toutes ses formes et dans le même temps d'un espace consacré au cinéma et ses corps de métier (scénario, réalisation, production web, photographie, théâtre pour enfants et ados, storytelling, guitare et chant, self-défense pour femmes).
Notre espace s’appelle "CINEMASTERS, Académie de l’Acteur et du Cinéma". Nous organisons son lancement officiel et des portes ouvertes avec tous les professeurs et formateurs le samedi 22 novembre 2025, c'est à dire samedi prochain. Le public, que nous espérons nombreux, pourra se renseigner sur les différentes formations proposées et faire son choix éventuellement.

Cet espace, nous l'avons voulu innovant et entièrement dédié au cinéma et aux arts visuels. Un lieu de vie culturel, indépendant et engagé, un espace-temps ouvert sur son environnement, au cœur de Tunis.
Espace de travail, de collaboration, de partages et d’échanges, nous misons avec nos professeurs sur la modularité et la flexibilité ainsi que sur des formations pratiques et spécifiques.
Des ateliers, des stages et des formations seront encadrés par des professionnels du cinéma, du théâtre et des arts scéniques reconnus sur la scène tunisienne et internationale. Ces formations auront lieu tout au long de l’année et notamment pendant les vacances scolaires.
Dernière question, est-ce facile de créer et de pérenniser un projet culturel dans notre pays ?
Non ce n’est pas une tâche aisée, loin s’en faut. Il faut à la fois de la vision, du souffle et de l’excellence. Pour réussir, il faut également que l’espace devienne économiquement viable afin de pérenniser les choses et de s'inscrire dans la durée. Sur ce point, je suis optimiste.
Propos de Nidhal Chatta
conduit par Mohamed Ali Elhaou





















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