Amal Maher sur la scène du festival de Carthage, sensibilité, fragilité et légèreté
- Mohamed Ali Elhaou
- 11 août 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 5 oct.
Malgré un temps très humide et une chaleur de plomb, même en soirée, les spectateurs n’ont pas raté, le 10 août 2024, la soirée tant attendue de la chanteuse égyptienne et arabe Amal Maher, qui revient après une absence de neuf ans.
Son dernier concert était, en l'occurrence, en été 2015. La représentation a démarré à 22 h pile et s’est terminée à minuit, sans une minute de plus et sans conférence de presse donnée aux journalistes.

Ses fans dans les gradins du festival de Carthage affichaient des pancartes sur lesquelles est inscrit "Amal Maher, la voix de l’Orient" et étaient de vrais supporters à cette artiste très adulée, notamment chez la frange des jeunes et des adolescents.
Amel Maher est née le 19 février 1985, sur scène, elle en fait moins. Hier, elle est apparue à son public avec une robe de soirée dorée collée à une cape du même style, pas vraiment adaptée à ce temps dont la chaleur est presque insupportable. Elle fut accompagnée de 37 musiciens dirigés par le chef d’orchestre Thameur Fidhi.

Déstabilisée sur scène
Certes, Amal Maher n’a plus à prouver son talent ainsi que la qualité de sa voix, mais la présence au festival de Carthage hier face à 9000 spectateurs a été vécue comme une grande épreuve pour cette cantatrice pleine d'enthousiasme.
Il n'y avait plus réellement de place pour s’asseoir et voir tranquillement la prestation pour bon nombre du public présent. Cette ambiance a fait que le spectacle s'est transformé en épreuve vraisemblablement difficile pour cette chanteuse, sortant d’une période critique après un divorce et d’autres problèmes privés.
Le résultat : les spectateurs ont assisté à un calibre moyen de chanteuse, même s’ils n’ont pas arrêté de la soutenir, tout au long du concert.
Calibre moyen, car son univers est quasiment celui de vidéoclip et de chansonnettes pour adolescents. Autrement dit, ses morceaux changent de rythme toutes les trente secondes et ne durent pas plus que trois minutes.
La troupe de cette artiste a introduit, par ailleurs, des instruments comme la guitare sèche au lieu de l'oud pour montrer la modernité de ses propositions, mais ceci n’engendre pas concrètement ce qui peut attirer l’oreille du public.
Ainsi, les spectateurs ont été exposés à des mélodies rapides dans lesquelles il n’y a pas véritablement un sens musical bien enchaîné.

Artiste répondant aux demandes de son public
Les qualités de cette chanteuse, c’est la force de sa voix, sa joie communicante sur scène et son ouverture envers son public, notamment en changeant de programme à sa demande, comme par exemple, lorsqu’elle a chanté une partie du chef-d’œuvre de Abdelhalim Hafez, Mawoud.
Toutefois, son répertoire demeure très faible et ne rentre pas dans la mémoire de l’auditeur, en dehors peut être de deux chansons ou trois à l’instar de Rayeh Beya Feen, Eteqy Rabena Feya ou encore Seket El Salama.
Son répertoire nous rappelle donc le chanteur Iheb Taoufik ; artiste qui n'a plus le vent en poupe comme ce fût au tout début des années 2000.
La voix d'Amel Maher, même si forte, elle se perd indéniablement, du moins lors de cette soirée, dans un espace ouvert comme celui du théâtre de Carthage.
Grande interprète, toutefois, de l’ancien patrimoine de la chanson arabe
Les moments forts où Amal Maher emporte vraiment son public, c’est lorsqu’elle a chanté, par exemple, Akdib alik, le célèbre opus de Warda Al Jazairia ou encore Alf lila ou lila de la diva Oum Kalthoum.
Le public a été entraîné également par le morceau Sidi Mansour, œuvre du patrimoine sfaxien.
Par ces reprises, Amel Maher a montré qu’elle était bien plus interprète que chanteuse. En réalité, le fait qu’elle soit aujourd’hui connue à l’échelle arabe, c’est grâce au développement de la musique égyptienne et surtout grâce à la machinerie des vidéoclips diffusés, entre autres, en boucle sur la chaine Mazzika. Celle-ci fait bien le packaging des artistes, même si ces derniers sont moyens en live.

Le retour d'Amal Maher vers les chansons qui ont fait la gloire du chant arabe entre 1960 et 1990 la délivre, en deuxième partie de concert, de la pression qu’elle a subie aux différents moments de cette soirée. Du coup, en revisitant ce répertoire, elle a pu enchanter tout naturellement les spectateurs qui ont en mémoire les morceaux tarabi.
Interrogé sur cette prestation, le vétéran du journalisme Ridha Baklouti dit : "le but n'est pas seulement de divertir [...] les spectacles qui dominent actuellement le goût du public sont consuméristes [...] Amal Maher fait partie de cette catégorie [...] en live, le public n'est pas uniquement un auditeur, mais aussi un participant actif au succès de la soirée [...] il peut être source de stress pour le chanteur. Amal Maher est donc une artiste en phase avec son époque, l'époque de la vitesse et du divertissement, c'est ce qui explique l'affluence des spectateurs, mais cette époque et ce succès ne sont pas éternels, ils peuvent subir des changements".
Au final, ce qui reste après tout est la question suivante : Amal Maher et son art seront-ils évoqués dans 20 ans ?





















Quel article et quelles photos, la dernière de Zied Jaziri est excellente artistiquement