Nidhal Chebbi et le projet "Les Talents cachés" : portrait d’un musicien investissant dans le citoyen de demain
- Mohamed Ali Elhaou
- il y a 6 jours
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Dernière mise à jour : il y a 1 jour
Nidhal Chebbi est né le 12 septembre 1979 à la Marsa, c’est quelqu’un qui veut investir dans le capital humain, son obsession c’est d’engendrer un Tunisien bien meilleur que celui qui se trouve aujourd’hui et en harmonie avec son territoire et son pays. Il pense que le métier de musicien est tout d’abord une forme d’artisanat dont le candidat doit comprendre les tenants et les aboutissants.
Il est diplômé de l’Institut supérieur de musique de Tunis en 2004. Actuellement, il est professeur agrégé dans la matière "éducation musicale" et travaille depuis maintenant 20 ans dans la fonction publique en tant qu’enseignant sous l’égide du ministère de l’Éducation.
Sa familiarité avec la musique a commencé au hasard durant l’enseignement scolaire au lycée Marsa Saada. Il accompagnait en fait en 1991 un certain Anis Dhrioua qui prenait des cours de violon chaque vendredi après-midi au sein du même endroit chez un professeur qui s’appelait Taha Abdelrazek.
Anis Dhrioua avait un violon et participait à ce club qui se maintenait après les cours. Peu à peu, "ma passion propre, moi qui était juste observateur, pour cet univers a été plus grande que la sienne. Il a donc arrêté et j’ai continué à sa place avec son propre violon dans le même club", dit-il.
Et d’ajouter : "C’est de cette façon que je suis entré dans cet environnement que je n’ai jamais plus quitté. Bizarrement, à la Marsa, il n’y avait rien à l’époque de structuré qui encourageait à la pratique artistique de manière générale, cette chose m’est restée gravée dans la mémoire."
Pour la persévérance dans ce domaine, Nidhal Chebbi est extrêmement reconnaissant envers son père Mohamed Lamine Chebbi qui l'a fortement encouragé à mener une carrière dans un domaine incertain, à savoir celui de l'art, car il voyait dans son fiston un rebelle caché qui ne pouvait pas supporter la bureaucratie.
Depuis maintenant deux ans, Nidhal Chebbi se présente comme vice-président de l’association "Al Osra Al-Rayda" (La famille avant-gardiste, Tdlr), dont la présidente actuelle est Moufida Khammesi. L’association se trouve à Mégrine dans le gouvernorat de Ben Arous.
À la même période également, Nidhal Chebbi fonde une académie de musique en janvier 2023 pour des jeunes lauréats dont l’âge se situe entre 10 et 18 ans majoritairement. Projet qu’il a baptisé "Chebbi Academy", qui a pour principal but non seulement de former des musiciens, mais plutôt des êtres socialement intégrés et socialisés dans la vie commune, notamment par le biais de l’art.

Même si très engagé dans l’enseignement, Nidhal Chebbi se produit donc depuis 2005 dans des concerts privés ou encore sous l’égide des associations, voire dans le cadre de la politique de proximité voulue, de manière hésitante il faut dire, par l’État, notamment à travers les maisons de jeunes.
Durant ses 20 ans d’enseignement, il a acquis avec l’expérience l’art de communiquer avec les jeunes, les adolescents, dont l’âge se situe entre 12 et 15 ans.
Sa préoccupation majeure, c’est d’outrepasser le mode de l’enseignement classique. En d’autres termes, il enseigne certes les modes musicaux, le chant et le jeu sur les instruments, mais il a été toujours préoccupé par le fait que la musique est un dispositif d’encadrement des jeunes qui se trouvent le plus souvent dans des quartiers dépourvus d’activités et d’actions culturelles.
Son projet ‘Les Talents Cachés’, son actualité du moment
Depuis octobre 2025, et c’est bel et bien son actualité phare, il chapeaute un projet qui s’appelle les "Talents cachés". Lequel projet a mis une année à se mettre en place intellectuellement mais également administrativement. Nidhal Chebbi a enregistré ce projet au sein de l’Organisme tunisien des droits d’auteur et des droits voisins (OTDAV).
Le but de ce projet qui commence le 13 décembre 2025 est de faire une préparation globale aux métiers de l’art sous forme de stage intensif de trois mois durant et qui se termine vers le début de l’année 2026, c’est-à-dire le 13 février, par une cérémonie.
Autrement dit, par un festival "des Talents cachés" qui verra se produire les 50 meilleurs lauréats sélectionnés parmi les 150 candidats en lice pour cette formation intensive.
"Le festival aura lieu ou bien à l’Espace Al-Abdellia à la Marsa ou bien à la Cité de la culture", dit-il avec des mots d’espoir. Et d’ajouter : "Il faut dire, c’est qu’on cherche à ancrer ce projet de formation artistique dans le territoire de la banlieue nord qui manque d’activités de ce genre permettant de mobiliser les jeunes au-delà du foot par exemple."
Ce projet est pris en charge en effet par le Complexe des Jeunes de la Marsa, un organisme fondé depuis 1974 et qui a entre autres une très belle infrastructure d’hébergement sous la tutelle bien évidemment du ministère de la Jeunesse et des Sports. "Je cite à ce titre la personne de Romdhane Belhaj qui n’épargne aucun effort pour nous faciliter la concrétisation de ce projet ainsi que la coordinatrice de ce projet, Rim Ouled Thaou", a-t-il mentionné.
Les candidats viennent des lycées, des collèges et des écoles primaires principalement de la Marsa dans son ensemble, qui englobe plus de 20 institutions éducatives disparates sociologiquement. En fait, c’est un projet transversal impliquant des institutions éducatives de la banlieue nord et favorisant l’expression par le biais de l’art.
Pour son déroulé, il s’agit de faire une audition, un casting, dans sept domaines artistiques, à savoir : la musique, la peinture, le théâtre, l’expression corporelle, la création par l’intelligence artificielle, l’artisanat et la littérature.
Le but de sélectionner ainsi pour ce projet 150 candidats porteurs d’un talent potentiel, un "Talent caché". Ceux-ci dont la formation sera prise en charge sans qu’ils ne dépensent le moindre frais. Tout sera pris, de fait, à bras le corps par les institutions de proximité de l’État. Sinon, les formateurs pour cette première édition travailleront bénévolement et chacun d’eux assurera 12 séances dans ce processus d’encadrement des jeunes candidats.
"Le Complexe des Jeunes de la Marsa de son côté a préparé minutieusement tout ce qui concerne la logistique afin d’assurer le bon déroulement des formations", assure Nidhal Chebbi.
En outre, à la rencontre de Nidhal Chebbi, nous n’avons pas manqué de lui poser cette question générale au-delà de son projet actuel : la pratique de la musique est-elle accessible ?
"Pour répondre à cette question générale, je vais plutôt mettre l’accent sur ce que je fais au sein de "Chebbi Academy". Car l’enseignement dépend du cadre, à savoir institutionnel ou pas. Par exemple, dans l’enseignement scolaire, l’institution ne livre pas des instruments aux élèves pour qu’ils apprennent la musique. Elle se contente de l’initiation à la musique à travers un enseignement théorique et une pratique faite principalement par l’enseignant afin de montrer par exemple à sa classe les différents types de modes ou encore les différentes sonorités ainsi que les harmonies sur divers instruments", dit-il.

Et d’expliquer : "Maintenant si on parle au sein de l’académie, là je dirais qu’il y a presque l’obligation d’un instrument. Toutefois, j’ai des élèves dans l’académie, ils passent une grande partie du temps d’intégration à observer et à applaudir. Ils entrent peu à peu dans le système d’enseignement que j’ai appris à mettre en place depuis 2005 à travers les diverses expériences que j’ai pu acquérir et mener au fil des années, que ce soit par les représentations que j’ai faites, les cours que j’ai donnés et les projets artistiques auxquels j’ai participé".
"Le système mis en place est en quelque sorte une élaboration d’une Warcha, un atelier permanent, pas très rigoureux d’ailleurs, et qui permet au candidat de s’exprimer et d’interagir avec souplesse avec les autres candidats pour aboutir au final à un projet de représentation commun et cohérent", a-t-il affirmé.
Et d’ajouter : "Le candidat, même s’il fait tout simplement un claquement avec deux stylos et produit un rythme qui peut s’intégrer avec l’harmonie global du groupe, je dirais là j’ai réussi mon pari d’élaboration d’une expression artistique commune. Bon, bien sûr, qu’au sein de ‘Chebbi Academy’, l’instrument est presque obligatoire, mais j’ai également un ensemble d’instruments mis en réserve au cas où le candidat est talentueux, mais n’a pas les moyens de se payer son instrument."
"Au fil des années, j’ai développé une passion pour l’autre. Dans le cadre de mes ateliers, je donne tout ce que j’ai comme énergie et connaissance à ceux que je forme, à ces futurs citoyens et artistes en herbe", a-t-il conclu.












