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Jacaranda de Nizar Saidi et d'Abdelhalim Elmessaoudi : critique socio-économique d'un homo-tunisianus méconnaissable

  • Mohamed Ali Elhaou
  • 28 sept.
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 30 sept.

Les fidèles de "Sortie au théâtre", qui est actuellement à sa 6ᵉ édition, organisée par le pôle Arts dramatiques de l'Opéra de Tunis à la Cité de la culture, ont pu voir hier 27 septembre, lors de la deuxième journée de cette manifestation dédiée au feu Fadhel Jaziri et qui se termine le 2 octobre, la pièce "Jacaranda".


Celle-ci a été présentée pour la première fois en juin 2025. La pièce est écrite par Abdelhalim Elmessaoudi et mise en scène par Nizar Saïdi. Les deux ne sont pas à leur première collaboration, ils ont déjà présenté une pièce qui s'intitule "Darkside" en 2022. Jacaranda est produite par le Théâtre National Tunisien.


Le mot Jacaranda signifie un arbre qui engendre une fleur mauve symbolisant, entre autres choses, l'ancrage dans le territoire national. La couleur mauve par conséquent n'est pas anodine dans l'imaginaire collectif dans la mesure où elle renvoie, en particulier, aux années de la dictature de l'ancien président Ben Ali.


Avis de la comédienne Alya Smiai sur la pièce Jacaranda. Crédit vidéo : culturetunisie.com

Les événements de la pièce se déroulent dans un centre d'appels : "Tanit". Dans la pièce, rien ne dénote cet endroit matériellement, il est utilisé donc comme une métaphore pour mettre sous les projecteurs l'artificialité des relations sociales entre les personnages présents sur scène, mais aussi à l'égard de leur environnement quotidien au travail et même en dehors.


Durant deux heures moins le quart, dans une salle "Théâtre des régions" magnifique pour les arts de spectacle, la plupart des comédiens étaient très à l'aise dans leurs bottes. Ils ont été très fidèles au texte écrit.


Sort du lot la performance artistique de Hammouda Ben Hassine qui a bien construit et coloré son personnage Glaï, l’oncle sans scrupule, coureur de jupons, violent et un vrai perdant dans le fond.



L'univers présenté de Jacaranda est à la fois cinématographique et théâtral. Le point positif, c'est que les personnages prennent leur temps pour installer leur prestation et leur discours. Certaines scènes sont très intéressantes, comme celle de la rencontre entre la mère et sa progéniture après tant d'années de séparation.
Hammouda Ben Hassine face à Helmi Klifi, prestation impressionnante dans Jacaranda. Crédit photo : culturetunisie.com

Sort du lot la performance artistique de Hammouda Ben Hassine qui a bien construit et coloré son personnage Glaï, l’oncle sans scrupule, coureur de jupons, violent et un vrai perdant dans le fond.


L'univers présenté de Jacaranda est à la fois cinématographique et théâtral. Le point positif, c'est que les personnages prennent leur temps pour installer leur prestation et leur discours. Certaines scènes sont très intéressantes, comme celle de la rencontre entre la mère et sa progéniture, après tant d'années de séparation.


Cependant vu la densité du texte, qui en vérité n'a pas passé vers la dramaturgie – les situations peuvent s'exprimer davantage que présenté par le visuel, le non-verbal, le son, le silence, la lumière, etc. –, la performance des comédiens débite de beaucoup de paroles et elle est dominée par la narratologie : le récit de vie, le passé, la souffrance et le malaise dans la société.


L'environnement présenté est celui du travail, les personnages sont, de fait, des êtres productifs, en activité, mais sont aliénés dans leur quotidien dans l'entreprise et dans leur perspective d'avenir par les malices sociales, les ruses professionnelles et les raccourcis dans les jugements.


En ce sens, Jacaranda est intéressante puisqu'elle mise sur une approche socio-économico-politique structurelle. Autrement dit, elle ne mobilise pas une approche psychologique à travers laquelle les personnages seraient construits de manière malformée et oblitérée.



Ainsi, la valeur ajoutée de cette pièce, c'est qu'elle met le doigt sur la structure oppressante et usurpatrice bien plus qu'un individu qui serait fou, dérapé et marginal dans son comportement.
Une des scènes de la pièce. Crédit photo : culturetunisie.com

En ce sens, Jacaranda est intéressante puisqu'elle mise sur une approche socio-économico-politique structurelle. Autrement dit, elle ne mobilise pas une approche psychologique à travers laquelle les personnages seraient construits de manière malformée et oblitérée.


Ainsi, la valeur ajoutée de cette pièce, c'est qu'elle met le doigt sur la structure oppressante et usurpatrice bien plus que sur un individu qui serait fou, dérapé et marginal dans son comportement.


Malgré la qualité de cette représentation, les articulations entre les scènes ne sont pas encore claires et nécessitent plus d'éclaircissement et de fluidification. Aussi, c'est une pièce qui prend par la gorge le spectateur et n'est pas vraiment jusqu'à présent, du moins, dans la pédagogie, la simplicité : l'intrigue n'est pas suffisamment explicite.


Le spectateur ne comprend pas en l'occurrence comment les personnages entrent et sortent dans le champ de l'action, d'où viennent-ils, que veulent-ils et quels sont leurs cheminements ?


Le texte d'Abdelhalim Elmassaoudi est un condensé d'expériences, de vécus, il est parfois autobiographique et contient une profondeur dans le travail d'élaboration. Toutefois, cet énoncé demeure très dominant dans l'intrigue de la pièce, ce qui fait que le spectateur, en gros, et avec du recul, est majoritairement face à un discours intellectuel bien plus que face à une œuvre dramatique.


Cela, tout de même, n'empêche pas de voir certaines fresques théâtrales très intéressantes et poétiques dans la mise en scène de Nizar Saïdi.


Au final, tout cet acte théâtral présenté mérite davantage de filage et de finition pour atteindre l'artistique, c'est-à-dire l'excellence, dont Jacaranda n'en est pas loin.


2 commentaires

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Fadoua Trigui Dagdoug
28 sept.
Noté 5 étoiles sur 5.

Analyse pertinente qui rejoint mon propre avis/ ressenti, concernant cette pièce. Malaise physique et mental (texte dense et effort de concentration, rythme lent), désorientation par manque de repères scéniques (fil conducteur) ou encore de référentiel trop présent (années 70/80). Il m'a semblé que la personnalité de l'auteur a dominé celle du metteur en scène. La pièce est ds son genre intéressante et mention spéciale pour les acteurs. Bravo !

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Khmaies Ben Younes
28 sept.
Noté 5 étoiles sur 5.

Merci pour cette analyse très juste. Le théâtre tunisien est en train de progresser.

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