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Assem Bettouhami dans "Cloche" : sur les pas de "El-Majnoun" de Taoufik Jebali

  • Mohamed Ali Elhaou
  • il y a 2 jours
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 2 jours

Les amateurs du théâtre avaient rendez-vous avec la première de la pièce "Cloche" d'Assem Bettouhami, avec comme Assistant du metteur en scène Khalil Benhariz. Cette pièce, "Cloche", produite par le Théâtre National Tunisien (TNT) dure une heure et 20 minutes, dans laquelle participent quatre comédiens bien expérimentés aux ficelles du 4ᵉ art, à savoir Marwen Errouine, Sonia Zarg Ayouna, Abdelkrim Bennani et Ridha Jaballah.


Ces comédiens très rodés ont donc fourni une prestation totale marquée par un professionnalisme béant, notamment au niveau de la force de la voix, du poids de l'expression et des émotions qu'ils transmettent aux quatre coins de la salle du 4ᵉ art à Tunis.


Pièce de Assem Bettouhami Cloche, 2025 avec Marwen Errouine, Sonia Zarg Ayouna, Abdelkrim Bennani et Ridha Jaballah. Personnes sur scène, ambiance sombre. Deux niveaux avec plateaux éclairés. Homme debout, femme assise. Fleurs roses visibles. Atmosphère théâtrale.
Pièce "Cloche" au théâtre du 4e art le 17 octobre 2025. Création : culturetunisie.com

La scénographie déploie ainsi l'espace vide ou nu, seule une table occupant l'espace de l'action et symbolisant un dernier diner empli de récits de vie qui ne trouvent pas toujours la perspective adéquate et juste.


D'ailleurs faut-il rappeler que le dernier dîner est une thématique qui renvoie en premier réflexe au chef-d'œuvre "La Cène" de Leonardo da Vinci, ce peintre de la Renaissance européenne.


Peut-être Assem Bettouhami cherchait-t-il, à ce niveau, et à travers sa pièce "Cloche", cette Renaissance perdue sous nos cieux et à l'échelle des pays arabes en particulier ; cet éveil des esprits, des consciences et des comportements qui tarde à venir pour solutionner la complexité des problèmes qui se posent dans cette aire géographique surtout lors de la dernière décennie.


L'ensemble de la représentation joue sur le second degré. Il n'y a pas véritablement de message direct. Le metteur en scène et le dramaturge investissent dans l'intelligence du spectateur(rice) et dans la symbolique de la parole.

Le texte de Mohamed Chawki Khouja et Assem Bettouhami est chaudement poétique et sensible. La chorégraphie qui longe l'intrigue ainsi que la musique de Héni Belhamadi ont un effet subliminal. Ces deux éléments apportent de la magie à la dramaturgie. Ils sont bel et bien savamment recherchés et en symbiose avec le récit, plus précisément lors de la chute du spectacle.

   

Parmi les moments forts de la fable "Cloche" se trouve le chant d'Abdelkrim Bennani, a cappella à travers une forme de voix pieuse rappelant les mélodies soufies que le spectateur, ou le visiteur, a l'habitude d'écouter, entre autres, dans les zaouïas.

La pièce emprunte, plus d'une fois, à l'univers esthétique déployé par Taoufik Jebali dans "El-Majnoun", notamment, pour ne citer qu'un seul point, l'usage de la voix du metteur en scène pour accompagner le récit. En effet, la technique de l'insertion du metteur en scène lui-même, à la fois comme acteur présent et invisible dans la dramaturgie, s'accentue, par une lumière à peine éclairante, et apporte de la profondeur à la représentation, du lyrisme, du charme et de la beauté ; choses vues également lors de l’œuvre de Jebali.


La créativité dans cette représentation réside quand même, car il y en avait, dans cette table magique autour de laquelle tournent tous les déplacements des comédiens ainsi que l'évolution de la scénographie et de l'intrigue de façon générale.


La pièce narre, en l'occurrence, une soirée qui réunit les quatre protagonistes qui se rencontrent pour un dernier dîner. Le dîner qui résume l'ensemble de leur existence ainsi que leurs satisfactions, péripéties et exacerbations.


La fable aborde en substance l'emprise du temps sur les individus. Elle n'est ni optimiste, ni pessimiste. Elle raconte l'existence personnelle et collective qui peut être ou bien riche ou bien pauvre.


"Cloche" n'évoque donc pas un problème particulier mais bien plus la nature humaine s'interrogeant sur un monde qui ne s'arrête pas et qui accule l'individu à sa propre faiblesse et à sa déchéance irrévocable.


Ainsi, dans "Cloche" les moments de vie sont vécus comme des sonnettes d'alarme, des appels au réveil. Ce sont, en vérité, des étapes, des épreuves de facto qui imposent réussite ou échec à l'individu. Celui-ci est amené à se doter d'un courage infaillible, à la résistance parfois, ou bien à courir à sa propre perte, c'est à-dire à sombrer dans un vide omnipotent.


En ce sens, "Cloche" est à la fois philosophique et poétique, mettant en scène les déchirements des personnages et leur égarement dans un processus qu'ils ne maîtrisent pas en bien au même titre qu'en mal.


La voix d'Assem Benttouhami qui a accompagné les phases du spectacle a été un fort marqueur d'ambiance dramatique. Elle est en arabe littéraire alors que les dialogues des personnages sont en tunisien.


Elle a rajouté de la profondeur et de la substance à la performance chorégraphique de Marwen Errouine, entre autres comédiens, qui s'est trouvé dans son élément, c'est-à-dire dans ce qu'il sait faire de mieux : le mouvement corporel et expressif sur scène.


L'ensemble des comédiens au final ont été d'une force de prestation qui a fait filer le temps sans que le spectateur ne se déconnecte de cette pièce "Cloche" : très respectable et sans aucun doute à voir.


C'est une invitation franche à la réflexion sur le sens de notre existence ainsi que sur la responsabilité concomitante à notre naissance sur Terre.



 

1 commentaire

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Saadia Ben Younes
il y a 2 jours
Noté 5 étoiles sur 5.

C'est une pièce très bien élaborée et qui met le spectateur devant une fresque d'interrogations sur l'existence humaine. Bravo Dali !

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