Le film "Benzine" : douleur d'un espoir entre l'ici et l'ailleurs
Benzine (essence), un film de Sarra Abidi est disponible dans les salles depuis le 24 Janvier 2018. Cette histoire évoque le phénomène de l'immigration clandestine d'une approche assez distinguée: à travers la mise en scène de la souffrance d'une famille éplorée par la perte cruelle de son fils.
Ce long-métrage de 1h 29 min met en exergue, et admirablement, les regards, les comportements, les dires des parents. Ces derniers dégagent de la morosité et de l'aigreur; leurs nerfs brulent sous l'effet de l'amertume tout comme la benzine sous l'effet du feu. Benzine est un film qui retient particulièrement l'attention sur le chagrin exacerbé des progéniteurs qui perdent leurs enfants; lesquels sont en ces temps de crise séduits par la quête d'un avenir meilleur en tentant de traverser une mer méditerranéenne souvent agitée et affamée de vies des jeunes.
La réalisatrice Sarra Abidi a remarquablement immortalisé les visages des parents exprimant tantôt l'espoir et tantôt les tourments et la douleur de la séparation et du déchirement. C'est un véritable hommage aux familles des migrants clandestins. Doté d'une grande sensibilité esthétique, le film effleure une réalité sociale marquée par la misère, le chômage, la contrebande et la perte d'espoir en des lendemains qui chantent dans un pays qui perd les quelques repères qu'il a.
Les scènes du film mettent en image les singuliers paysages du sud tunisien. Lieu qui malgré sa splendeur et son rayonnement souffre de la marginalisation et de l'exclusion des politiques publiques depuis l'Indépendance et même avant.
Benzine, qui signifie littéralement essence, une flamme ardente qui consume l'être et le devenir, est à la fois le mobile de ceux qui ont choisi de fuir la misère et l'humanité déchue. En même temps, c'est un clin d’œil à ceux qui ont résisté et résistent à cette tentation d'un monde meilleur et qui préfèrent malgré tout continuer à vivoter sur la terre de leurs ancêtres; dans laquelle ils endurent bon gré mal gré.
Nous nous trouvons donc face à la dualité de l'espoir et le désespoir, de la lutte et de la résignation, du rêve et de la réalité, de la vie et de la mort, de l'obligation de rester et de la tentation de partir. L'avenir flamboyant, la considération, la liberté et la dignité sont le benzine de ceux qui ont choisi la voie de l'inconnu voire de l'incertain. Parallèlement, l'espoir, la conviction et la persévérance sont le benzine de ceux qui ont choisi de persister. Entre les deux bords, toute une lutte est menée que le spectateur de ce film vit tout au long de la projection de ce travail réussi.
Rym Hayouni