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Meriem Aamira

Les marchands du livre face à une passion en perdition

Un demi-dinar, un dinar et demi, deux dinars, 5 dinars, tels sont les prix des livres d’occasion vendus dans les rues. Il en faut peu pour bouquiner, un hobby délaissé par notre société depuis un certain temps. Est-ce parce que ce qu’il n’a plus la patience de lire ni même le temps ?


Rue Tanneurs ou «  Dabbeghine » est connu principalement pour l’odeur des anciens livres,  regorgeant d’infinis trésors. De l’économie au roman, de l’encyclopédie à l’explication de rêves, d’adultes aux premiers livres d’enfants, on y trouve de tout.
Des femmes achetant des livres à Tunis, Crédit photo Meriem Aamira

Ce que les années emmènent avec elles


Rue Tanneurs ou « Dabbeghine » est connu principalement pour l’odeur des anciens livres, regorgeant d’infinis trésors. De l’économie au roman, de l’encyclopédie à l’explication de rêves, d’adultes aux premiers livres d’enfants, on y trouve de tout. Toujours aussi mouvementé que les années 70 et 80 ; sauf que ce n’est plus avec les livres, mais plutôt avec les jouets et vêtements. "Après 22 ans d’expériences dans la rue de tanneurs, j’ai décidé de venir vendre mes livres à place Barcelone. Ce n’est ni une question de concurrence ni rien du tout, mais par obligation", déclare le commerçant de livre Mustapha Haran, 53 ans.


Seulement trois ou quatre boutiques vendent encore des livres dans cette ruelle où la fièvre de lecture fut vigoureuse. La passion de lire un livre, la passion d’explorer un livre, page par page, ligne par ligne, la passion d’aimer les livres et de les collectionner. Ce sentiment de joie quand vous trouvez LE livre à un prix plus ce que raisonnable, demeure un sentiment habitant les quelques férus de ce produit culturel en perte de vitesse.


Marouen El Ayedi 42 ans vendeur de livres, parle de cette érosion de l'envie de lire avec ces mots : "Avec les réseaux sociaux et Internet, il n’y a plus personne qui va chercher à lire un livre… Ça fait 18 ans que je vends des livres et je peux vous dire qu’il y’ a une grande différence entre avant et maintenant. Les gens ne s’intéressent plus aux bouquins". Cet aspect est confirmé par Semia, 22 ans, étudiante en pédiatrie : "les livres ne m’intéressent pas, ce n’est pas vraiment mon truc".


Malgré la chute de nombre de lecteurs ces dernières années, un amoureux de livre a croisé notre chemin pour nous expliquer sa passion des anciens livres : "je viens souvent ici, parce que j’adore les anciens bouquins, je vais souvent à la librairie, mais ce n’est pas la même chose… Je trouve mon bonheur dans cet endroit. J’adore lire, c’est mon passe-temps favori". Il ajoute ensuite avec un ton nostalgique : "je pense que c’est la faute au progrès technologique, un enfant préfère jouer avec sa console de jeu plutôt que de lire un livre, c'est peut-être aussi à cause des enseignants. Ils ne les poussent plus à lire ou les motivent ». Probablement que c'est une question de pouvoir d'achat qui ne cesse de s'affaiblir.


Les prix des livres de Dabbeghine, des prix raisonnables


Le prix des livres aux librairies atteint les 15 dinars pour les livres de poches et jusqu'à 50 et 60 dinars pour les grands livres ; ceci sans parler des livres venant d'Europe qui demeurent très chers. Alors comment cela se fait qu’on les retrouve chez ces commerçants de Tanneurs ou place Barcelone, de l'autre extremité de la capitale Tunis, à 1 et 5 dinars ?


Selon le bouquiniste Marouen El Ayedi: "parfois, il y a des entreprises qui font une liquidation des livres qu’ils ont en stock ou encore les librairies qui veulent vendre, car elles sont en train de renouveler leurs fonds. Aussi, de temps en temps, suite au décès des parents, les enfants décident de vendre la librairie parce qu’ils ne s’intéressent pas aux livres". C'est pour cela que l'on retrouve non seulement d’anciens livres de qualité, mais aussi des best-sellers de la dernière saison.


À Dabbaghine, on trouve des livres dans plusieurs langues : en arabe, en français, en allemand et en anglais.


Demande agonisante


Plus de 80% des Tunisiens n’ont pas lu un livre pendant l’année 2014 et bien entendu n’ont pas acheté un livre. Un chiffre bien désolant qui devrait nous alerter sur l’iceberg vers lequel nous fonçons tout droit. Si un peuple est composé de 20% qui lisent, ceci nous donne une petite idée sur le pourquoi nous en sommes dans le sous-développement. Car la conscience de ce qui est autour est la clef de la progression. Le livre, c'est ce dont les Tunisiens ont besoin, s’ils sont trop stressés et qu’ils en ont marre de la routine. C’est bien de lire un bon livre donc, étant donné qu'un livre est une fenêtre par laquelle on s’évade. Pas besoin au final de chercher loin !

Meriem Aamira


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