Pink Martini ou la musique autrement

Mêlant des univers musicaux aux sonorités différentes mais convergentes, Pink Martini fait depuis sa naissance en 1994 révolutionner la musique contemporaine.

Jazz, Blues, Lounge ou encore musique classique, tout se fusionne chez les Pink Martini pour pendre des sonorités emblématiques et intrigantes. Accompagnés souvent de textes en anglais, français, espagnol et même des insertions en arabe ou grec moderne ou japonais.

Le groupe, originaire de Portland aux États-Unis, s’est produit depuis la sortie de son album à succès planétaire « Sympathique », en 1997, dans toutes les grandes scènes du monde, suscitant toujours un engouement particulier.

Cette année, avec 9 albums au compteur, le groupe a décidé d’atterrir en Afrique du Nord et particulièrement à Tunis pour la 12éme édition du festival « Jazz à Carthage » où il a tenu un concert le samedi 08 avril 2017.

Retour sur le premier concert donné par Pink Martini à Gammarth

Cette troupe musicale est assez spéciale, la couverture de son spectacle l’est aussi. Dès notre entrée, l’équipe de communication chargée de l’organisation de cet événement culturel fait signifier à tous les journalistes qu’il est strictement interdit de filmer le concert en entier. Ainsi les journalistes ne peuvent filmer qu’une chanson du début et de loin. Les journalistes ont été placés au balcon : très loin de la scène. Rares sont donc les médias qui ont pu assister à la performance artistique de près.

Malgré ces astreintes, l'émerveillement était au rendez-vous notamment par la salle de concert de l’Hôtel Carthage Thalasso Resort située à Gammarth dans la banlieue sud de la capitale. Cette salle est équipée des dernières prouesses techniques de confection des arts de la scène. Pour assurer un spectacle de qualité, les techniciens viennent de l’étranger et en particulier de France et appartiennent à la société Manca festival. N’avons-nous pas des techniciens de qualité permettant d’assurer une sonorisation répondant aux exigences d’une scène moderne ? Ne dit-on pas que la Tunisie regorge de talents? Peut-être que ce n’est pas le moment de poser ce genre de questions…

Le spectacle de Pink Martini est un message pour l’amour, la paix entre les civilisations, la connaissance et la reconnaissance des différences culturelles. Ainsi, c’est un appel pour le melting-pot et pour l’abolition des frontières entre les nations du monde. Pour ce faire, le groupe chante dans plusieurs langues et prend des risques musicaux pour jouer non seulement de la musique mais aussi pour caresser l’esprit de chaque culture.

Le spectacle démarre à 20 h 45

Même si le billet mentionne le début du spectacle à 20 h 30, le show démarre effectivement avec 15 minutes de retard. Celui-ci devient presque la marque de fabrique de nos organisateurs. Ainsi, peut-on même parler à ce sujet d’une habitude tunisienne tenace ? Dès son entrée, le groupe fait très rapidement oublier ce petit bémol et réchauffe la salle avec des mélodies universelles. Le démarrage était à l’américaine, avec un fort souffle emportant : la fameuse chanson qui a fait le succès du groupe à savoir Amado Mio de leur album Sympathique sorti en 1997 en est pour beaucoup. Avec ce départ décollant, le public s’est enflammé et faisait des gestes d'approbation suivant la rythmique de cette chanson : un mélange harmonieux de tango et de pop music. Parmi les personnalités publiques ayant assisté à ce spectacle se trouve Nooman Fehri ancien ministre de la technologie ainsi que l’ambassadeur de France actuel son excellence Olivier Poivre d'Arvor. Ces deux personnages publics se sont très bien arrimés avec la belle prestation du groupe et de sa sublime chanteuse Storm Large.

Storm Large, une perle méconnue !

Storm large lors de ce spectacle a bel et bien montré qu’elle a plusieurs cordes à son arc. C’est une artiste complète avec une parfaite maitrise du sens de la gestuelle, du charisme; le tout avec un corps de rêve. Sur son dos en particulier est tatoué le mot « Lover ». Au-delà de ce détail, Storm est une artiste qui maitrise le chant lyrique, la comédie musicale, le rock, le swing, le jazz, le pop et le lounge. En outre, l’artiste est polyglotte : elle chante en italien, en arménien, en arabe, en anglais bien sûr, en français, en turque et en bien d’autre langues. La dynamique et le punch qu’elle transmet à son public ressemble aux prestations de la chanteuse Madonna notamment dans les années 90. À chaque fin de chanson, cette merveilleuse artiste disait Aychek (merci en tunisien) au public. Elle lui promettait de revenir. Storm large a été la seule femme dans un Pink Martini constitué de 9 musiciens. Ceux-ci sont conduits par le talentueux pianiste Thomas Mack Lauderdale et bien d’autres artistes qui font l’âme et même le génie de ce groupe. C’est lui en effet le fondateur de cette troupe en 1994.

Ce n’est qu’en mars 2011 que Storm Large rejoint l’ensemble en remplacement de l’ancienne chanteuse China Forbes. Storm Large de son vrai nom Susan Storm Large est née le 25 juin 1969 à Southborough, Massachusetts aux États-Unis. Elle attire l'attention en participant à l'émission de télé-réalité de CBS Rock Star: Supernova. Durant des années, elle fût artiste rock. Mais à partir des années 2000, elle oriente son art vers les performances de la scène notamment le cabaret mais aussi la musique classique, le théâtre et la musique jazz. Ce qui fait qu’aujourd’hui, elle est une artiste polyvalente et mature.

Parmi les meilleures prestations de ce spectacle, on cite la quatrième chanson Donde Estas, Yolanda, Una notte a Napoli et Brasil. Ce sont des chansons très optimistes, accessibles au public et sont des célébrations de la joie de vivre. Au coté de ces chansons, il y avait également une chanson turque du nouvel album "Je dis oui" sortie en 2016 qui est intitulée Askim bahardi interprétée avec brio par Storm Large.

Ce spectacle est aussi une visite du répertoire arabe

Le guest pour ce nouvel album est le chanteur Ari Shapiro. Celui-ci est à la base un journaliste qui se converti par passion au monde de la musique et du spectacle. En effet, il est un fin connaisseur de la chanson arabe. Ainsi lors de ce concert, celui-ci a donné trois prestations arabes en solo qui figurent sur le dernier album de Pink Martini. Il a ainsi rendu hommage aux réfugiés palestiniens et arabes à travers la chanson Finnisma Di ; morceau qui aborde le parcours des immigrants et leur attachement à leur terre patrie. Il a interprété également une chanson du mythique Abdel Halim Hafeth. Cette dernière souvent oubliée par nos médias. Elle s’appelle Bokra ou Baadou. Cerise sur le gâteau, Shapiro visite le répertoire de la grande dame de la chanson arabe Fayrouz en interprétant la chanson Bint Al Shalabiya. Cette interprétation a été du goût du public qui répétait en chœur des paroles devenus un patrimoine arabe.

Une passion du public pour la chanson je ne veux pas travailler

Parmi les chansons ayant fait le succès du groupe se trouve celle intitulée je ne veux pas travailler. Celle-ci a pris la place du cœur auprès des 1200 personnes venues assister au spectacle. Le public l’a donc fredonné avec une très grande fierté. Est-ce l’absence de la culture de travail chez nos chers concitoyens ? En effet, le public a très vite reconnu le titre dès les premières notes de la chanson. Ce fut un chant collectif qui rappelle l’ambiance des gradins lors des manifestations sportives.

In fine, ce genre de spectacle montre bien que le pays peut très bien renouer avec sa culture de l’accueil, de l’hospitalité et de l’ouverture d’esprit. C’est encore une fois une démonstration que nous pouvons faire des spectacles professionnels et de grande qualité. La progression par la culture et à travers la créativité n’est pas un chemin impossible. La preuve est que Pink Martini souhaite renouveler cette expérience et promouvoir ainsi une musique autre.

Nadhem Hanin et Mohamed Ali Elhaou