Mokhtar Louzir dans Le livre d’Aladdin : une jeunesse engagée dans la lutte de classes
Il y a une pièce en tournée en ce moment, à savoir “Le livre d'Aladdin” du metteur en scène Mokhtar Louzir. Le public retrouvera cette représentation dimanche 30 juin 2024 à 11 heures du matin à la salle du 4ᵉ art à Tunis ; demain matin donc. La pièce est destinée aux adolescents. Elle véhicule les valeurs de l’espoir, la possibilité de briser les structures sociales existantes et la promesse donnée à chaque adolescent de changer sa classe de départ pour une destination meilleure et prospère.
Cette comédie musicale regroupe un ensemble de comédiens. C’est une production lourde du Théâtre National dirigé par l’artiste Moez Mrabet. Dans cette représentation, on trouve le grand comédien Béchir Ghariani, présent au côté d’Ahmed Zouaghi dans le rôle d’Aladdin. Aussi, Malki Labbaoui dans celui du sorcier, personnage antagonique au héros de l’anecdote ; très convaincant par ailleurs. Oussama Haneini, le Grand vizir et conseiller du Roi ; même dans ses affaires privées. Thawab Idoudi, la princesse de cette fable dont tombe amoureux à la fois Aladdin et le fils du Grand vizir incarné par Helmi Klifi : séduisant sur scène par l’élégance de son allure, par son costume, ses moustaches et plus particulièrement lors de la danse avec la princesse.
Fatma Zahra Marouani, la servante piégée par le sorcier et Assala Kouass, la mère d’Aladdin. Les autres comédiens sont ou bien des amis du héros ou bien faisant partie de la garde proche du Roi et sont respectivement Louay Elleuch, Nourhène Jaafar, Leila Mnekbi, Khaouther Missaoui, Allem Baraket, Chawky Essaâdly, Nebrass Kalfallah, Mohamed Melki, Hazem Bouhlali, et Ghassen Jerbi. Ces derniers sont non seulement dans leur personnage, mais font également des performances chorégraphiques et apportent une belle esthétique et harmonie de groupe sur scène.
Scénographie attractive et variée
Mokhtar Louzir a diversifié les scénographies lors de cette comédie musicale, aussi la lumière est très fluide ainsi que les différents tableaux de la pièce. Ceux-ci ont été parfaitement synchronisés une heure durant. Le tout dans un décor minimaliste pour permettre à la pièce de se produire dans les différentes régions et pourquoi pas à l’international. Louzir a misé sur les couleurs, des paysages enchantés et la technologie pour offrir un cadre d’ambiance féérique au jeune public. Ainsi, la technologie a été présente pour montrer le Sahara, la cave magique, le palais, la maison de la mère d’Aladdin, les déambulations dans la forêt avec les copains, les scènes de bagarre, l’intérieur du palais et bien d’autres scènes.
Distribution des rôles de Mokhtar Louzir : pari moyen
Avant de parler de l’adaptation à proprement dit, dire un mot sur la distribution des rôles. Le choix d'Ahmed Zouaghi dans le rôle d’Aladdin est très convaincant et judicieux, mais la princesse n’a pas donné ce côté subliminal recherché par le spectateur. Aussi, on ne comprend pas pourquoi la princesse danse avec le fils du Grand vizir alors qu’elle devrait valser avec son amant, à savoir Aladdin, le personnage principal de cette fable.
Dans cette distribution, Mokhtar Louzir n’a pas réussi à voir également le talent de Chawky Essaâdly, à qui il a donné un petit rôle, et aussi Louay Elleuch, un excellent jeune comédien par ailleurs, mais qui n’a pas pu briller dans ce travail artistique. En revanche, le grand Béchir Ghariani est charismatique dans le rôle du Roi et a montré une ample harmonie de jeu avec ces jeunes comédiens. Nourhène Jâafer n’a pas pu montrer l’amplitude de son talent lors de cette pièce qui mise plutôt sur le travail collectif.
Adaptation proche des réalités tunisiennes
Le génie de la lampe mis en scène par Mokhtar Louzir, un être incitant Aladdin à compter sur lui-même. C’est un génie dont l’offre dans cette adaptation est très limitée par rapport au récit originel. C’est en effet un génie qui pose des conditions et exige responsabilité de son maître, en disant que s’il fait par exemple déplacer le palais de l’épouse d’Aladdin, il ne le fera pas revenir. Aussi, c’est un génie demandant à un certain moment de la pièce d’être libéré, très vite, de l’ustensile dans lequel il est emprisonné (El Moshah). Il est à noter que le génie de la bague ne figure pas dans l’adaptation de Mokhtar Louzir de la fable originelle.
Jeunesse rebelle mise en scène par Louzir
Le personnage principal de la pièce ainsi que ses acolytes représentent une jeunesse dynamique et rebelle. Cette jeunesse agit en groupe et refuse toute normativité sociale préétablie. Elle est solidaire, surtout lorsqu’il s’agit d’injustice. Cette injustice est donc un objet de lutte pour cette jeunesse. Cette dernière se rebelle contre une prédestination injuste qui veut faire d'Aladdin un pauvre pour toujours. C’est une jeunesse transgressant, à titre d’exemple, la tradition des mariages arrangés entre riches ; dans la pièce, entre la fille du Roi et le fils du Grand vizir en l'occurrence.
Mais les choses ne vont pas être faciles dans cette lutte de classe, l’univers onirique qu’incarne le génie se heurte aux obstacles réels se trouvant sur le chemin semé d'embûches d'Aladdin. Il importe de rappeler que l’histoire d'Aladdin, bien connue grâce à sa version populaire dans "Les Mille-et-une Nuits". Cette histoire a été adaptée à de nombreuses reprises. Aladdin dans le monde de l’art a aussi été transformé en comédie musicale, avec des adaptations qui incluent des chansons originales. La version la plus célèbre est probablement celle de Disney, sous forme de film d'animation en 1992, avant d'être adaptée en une comédie musicale de Broadway en 2014. Cette version inclut des chansons populaires comme " A Whole New World " et " Friend Like Me ". Mot de la fin : projet artistique ambitieux, mais qui doit donner plus d’esthétique, de forme et de fond aux jeux des personnages. Il gagnera aussi à rajouter un brin de romantisme, très peu présent dans cette représentation.
Article très bien rédigé et qui contient une critique pertinente du spectacle. Bonne continuation