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Haythem Benzid et Mohamed Ali Elhaou

Le journaliste et la critique artistique : la connaissance au service de la simplicité

Le journaliste a un rôle primordial dans la valorisation de l’œuvre artistique par le biais de la critique culturelle. Ce domaine nécessite un investissement de sa part. Il ne peut donc pas faire du papillonnage en sautant d'un domaine à l'autre au gré des événements et des opportunités sans se faire une spécialisation, c'est-à-dire une cohérence d'ensemble tout au long de sa carrière. Cette spécialisation est ainsi nécessaire pour nourrir un travail minutieux et une décortication profonde de l’œuvre présentée par l'artiste. Ce dernier, de cette façon, étant le créateur du produit culturel, peut avoir un retour sur sa façon de faire et des pistes d'amélioration de celle-ci.


La critique culturelle en journalisme est un des domaines les plus difficiles et en même temps les plus passionnants, car le journaliste produit dans cette situation non seulement de l'information, mais aussi les conditions d'élaboration de l’œuvre, le sens qu'elle élabore et sa valeur dans le construit historique artistique. Ainsi, le journaliste spécialisé dans un des domaines de la critique culturelle (musique, théâtre, littérature, danse, etc.) doit avoir à la fois le sens du détail et également les connaissances approfondies pour évaluer le produit artistique présenté.


Une œuvre est à la fois formelle et substantielle


Appréhender une œuvre pour un journaliste, c'est à la fois en faire une lecture technique mais aussi avoir la capacité de la situer dans les différents courants artistiques. Par exemple, s'il s'agit du domaine de la peinture, le journaliste est incité dès lors à connaitre si le produit présenté est de l'ordre de l'impressionnisme, du réalisme, du surréalisme, du cubisme, etc. Aussi, comme l'art ne s'invente pas et est élaboré toujours par rapport à ce qui se fait dans le champ lui-même, le journaliste doit impérativement faire une veille sur les artistes qui ont marqué le métier. En ce sens, il est important pour un journaliste essayant par exemple d'appréhender la peinture tunisienne d'avoir quelques informations sur "l’École de Tunis". Celle-ci a été le lieu de rencontre entre des peintres ayant contribué fortement à l'élaboration de l'histoire contemporaine du pays. En effet, c'est en 1949 que Pierre Boucherle décide de fonder l’École de Tunis en regroupant Corpora, Moses Levy, Ammar Farhat, Yahia, Gorgi, Ben Abdallah, Nello Levy, Naccache, Bochieri et Lellouche. Viendront adhérer à la vague Hedi Turki, Zoubeir Turki, Safia Farhat, Ali Bellagha, Brahim Dhahak, Hassen Soufy et Fathi Ben Zakour.


Les musiciens ou buveurs de boukha, Zoubeir Turki (école de Tunis) 1992

Tableau Les musiciens de Zoubeir Turki ©Artnet


D'ailleurs, la connaissance du détail de parcours de chacun de ces artistes, même s'il s'inscrit dans le siècle précédent, est un atout non négligeable pour saisir les tenants et les aboutissants de ce qui se fait dans la filière créative et en particulier les nouvelles façons de faire des jeunes talents aujourd'hui.


Le journaliste ne doit pas être submergé par les connaissances acquises


Ayant ces connaissances, le journaliste ne sera pas inerte et entreprendra un travail de médiation commençant par la mise en place de relations d'échanges et de débats avec les artistes dans une ambiance tout autant familiale que professionnelle pour trouver les mots justes sur les choses qu'il va médiatiser. Le parcours à ce titre du grand journaliste d'art Tahar El Melligi est, toutes proportions gardées, un modèle à suivre. Celui-ci dans le domaine de la musique avait la chance de côtoyer des monstres de la scène musicale arabe à l'instar de Hédi Jouini, Saliha, Mohamed Abdelwaheb (image infra), Chedly Anouar, Ahmed Hamza très connu en Algérie, Khmaies Tarnen, Oulaya, Mohamed Jamoussi, Hédi Kallel, Naâma, etc.


Image extraite du livre de Tahar El Melligi, Les immortels de la chanson tunisienne, Les éditions MédiaCom, Tunis, 2000, p.5

Grande proximité entre le journaliste et l'artiste au service de la médiation de l'œuvre et sa médiatisation dans la société arabe


Le défi d'écrire simple


Faire de la critique culturelle n'est pas une affaire d'expertise, mais bien plus une volonté pour celui qui écrit, le journaliste, de rendre accessible, de médiatiser, l’œuvre et son esthétique au grand public. Pour ce faire, le produit médiatique présenté doit être intelligible aussi bien pour l'artiste que pour le public ; même si le premier n'est pas la cible principale de l’œuvre. Dans l'acte d'écrire, le plus difficile à faire reste de donner envie au destinataire d'aller voir la performance artistique. Avec de simples mots engageants, l'idée est de faire vivre le récepteur, le public donc, dans une atmosphère belle :  dans un "bouillon de culture" pour reprendre la fameuse émission culturelle de Bernard Pivot. Écrire n'est-il pas au final une reconstruction de l'œuvre de la part du journaliste afin d'élargir le spectre des possibles pour l'artiste, mais surtout pour ses publics ? C'est ce que l'on appelle la médiation médiatique: affaire à suivre.

Haythem Benzid et Mohamed Ali Elhaou


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