Hafeth Khalifa dans Oum El-Bolden met en avant Abou Zakariya Al-Hafsi fondateur de l’État hafside
- Mohamed Ali Elhaou
- 17 juil.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 6 sept.
Les amateurs du théâtre avaient rendez-vous, le 16 juillet 2025, avec la pièce de théâtre "Oum El-Bolden" (أم البلدان) (La mère des nations) de Hafeth Khalifa à l'occasion de la 59ᵉ édition du Festival de Hammamet.
Cette œuvre, écrite par le dramaturge Ezzedine Madani, tourne depuis maintenant une année. Elle fut présentée pour la première fois le 1ᵉʳ juillet 2024. Dans ce spectacle, il y a des airs du Sud, notamment dans la chorégraphie ainsi que la musique déployée pour le spectacle qui renvoient au patrimoine sahraoui.
La représentation raconte le 13ᵉ siècle, l'époque hafside. En même temps, elle prend les éléments qui peuvent communiquer avec le moment présent, notamment la gestion de la cité, les luttes pour le pouvoir et le tiraillement entre les forces qui poussent vers le salafisme et celles qui poussent vers le progrès.

La monstration revient, en l'occurrence, à l'an 1288 et narre, sans une mise en scène, uniquement par les dialogues, les épopées d'Abou Zakariya Al-Hafsi et ses réalisations. Celui-ci fut au départ gouverneur almohade de Gabès puis de Tunis. Peu à peu, il se rebella contre son frère Abd-Allah, qui avait été à la tête de la dynastie hafside en Ifriqiya depuis 1224 suite à la mort de leur père, Abou Mohamed Abd Al-Wahid Ibn Abi Hafs.
À la suite d'une bataille fratricide à Kairouan avec son frère Abd-Allah, Abou Zakariya le renversa, le forçant à se contenter du titre de Cheikh et à se consacrer à la vie religieuse. Abou Zakariya a ensuite succédé en tant que chef des Hafsides.

À travers différents tableaux, ce personnage est présenté comme étant le bâtisseur de la médina de Tunis et de ses différentes portes emblématiques. Ainsi, le récit de Hafeth Khalifa met en avant, par le biais de la technique du mapping orchestrée par Nour Jallouli, la construction, entre autres, de la mosquée de la Kasbah, le développement des souks et infrastructures urbaines à Tunis et dans ses banlieues, notamment le palais du Abdellia à la Marsa.
Aussi, l'intrigue met en exergue l'accueil de nombreux lettrés et réfugiés andalous fuyant la Reconquista, notamment à Valence.
La pièce montre comment Abou Zakaria nouait des relations diplomatiques avec l’empereur Frédéric II, la couronne d’Aragon, la Provence, le Languedoc, les cités marchandes italiennes telles que Venise, Pise, et surtout Gênes, la capitale du monde à l'époque. Ses relations furent sincères au point que Zakaria se maria avec des femmes européennes.
Abou Zakariya, historiquement, a d'ailleurs, tissé de fortes relations avec le royaume de Sicile, auquel il versa un tribut annuel en échange de blé et de liberté commerciale. La performance d'ensemble met la lumière ainsi sur l'exceptionnalité de cet homme historique qui fonda les premières lignes de cette Tunisie moderne, organisée commercialement et politiquement.
Ses actions sont donc décrites comme un âge d'or du pays ou il a pu injecter une dose d'organisation, de travail, de construction et surtout de tolérance vis-vis de ses détracteurs, notamment d'un opposant notoire, nommé dans ce travail artistique "Haha" حاحا. Il a également participé à l'ancrage de cet esprit d'indépendance qui a proliféré de façon visible, entre autres, avec Habib Bourguiba à partir de la troisième décennie du 20e siècle.
Vers la fin de son intrigue, Oum El-Bolden reconstitue dramatiquement la mort d'Abou Zakariya et l'accès au trône de son fils : Mohamed Ier Al-Mustansir. Il lui succède et se proclame Calife en 1256. Son règne, comme signalé dans cette œuvre, est celui de la débauche, de l'irresponsabilité et des dépenses sans perspectives ni vision.

Oum El-Bolden a mobilisé plus de 20 artistes entre comédiens et jeunes danseurs. Elle dure une heure et 20 minutes et c'est un très bon condensé historique, politique avec une dose d'humour, notamment dans les dialogues qui font des sauts, des anachronismes exprès, dans le 21ᵉ siècle, même si ce qui est présenté relève du 13ᵉ siècle.
Les comédiens qui y jouent sont tous chevronnés, une mention spéciale à ce titre à Aziza Bou Labyar et à Jalaluddine Saadi lors de cette représentation dans cet espace de plein air qu'est Hammamet. Le spectacle est grandiose, très varié, rôdé, mais à certain moment, il faut le dire, enfantin et qui rappelle les mauvaises séries folkloriques que l'on voyait à la télévision.





















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