- Mohamed Ali Elhaou
Najet Attia à Carthage : une diva du bon vieux temps
Najet Attia marque l'histoire de la musique dans notre pays et même au Maghreb. C'est une artiste investissant dans la chanson locale. Sa voix est exceptionnelle sur tous les plans. C'est une chanteuse capable de parfaire tous les modes musicaux et tous les rythmes. Hier le 13 aout 2024, elle a prouvé, une énième fois, après 10 ans d'absence, qu'elle est réellement une bête de scène. Elle a été choisie par le Ministère des Affaires de la Famille, de la Femme, de l'Enfance et des Personnes âgées pour célébrer la fête officielle de la femme qui correspond à cette même date mentionnée plus haut pour incarner le féminisme d'État. Or, Najet Attia ne peut pas rentrer dans des cases, c'est une artiste très sensible, nourrissant le brin de folie qu'elle a notamment sur scène et lorsqu'elle est en face de son public. Cette folie créatrice faisant sa grandeur.
Les gradins du festival de Carthage étaient archicombles. La voix de cette artiste a laissé une trace indélébile dans la mémoire collective de notre société. Les premiers pas de l'artiste remontent à 1979, à l'âge de 11 ans, dans une émission de télévision. Durant la fin des années 80 et les années 90, ses collaborations avec le grand compositeur Abdelkrim Shabou et le poète Abdelhamid Rebai, entre autres, l'ont propulsé aux premiers rangs du monde artistique locale.
Najet Attia n'est pas une artiste ayant une stratégie, elle fonctionne plutôt par le cœur, son envie de travailler dépend surtout de son humeur. C'est ce qui explique qu'elle s'éclipse de temps à autre. Certes, elle a une carrière de 45 ans, mais cette carrière est discontinue. Aujourd'hui, depuis le début de l'année 2024, elle est prise en charge par l'entreprise Bouddha-prod. Ce leader dans le divertissement, les spectacles et l'organisation artistique, promet de s'occuper de l'image de marque de l'artiste sur les plateformes numériques locales et internationales. Dorénavant, cette entreprise prend en charge donc la valorisation du patrimoine artistique de Najet Attia selon les normes de la commercialisation digitale et de la distribution mondiales.
Retour par la grande porte
Même si elle a rompu avec le chant dix années durant, Najet Attia a réussi à former un public depuis les années 80 qu'elle a su garder fidèle. Elle est non seulement une chanteuse, mais une artiste choisissant bien son expression, ses mélodies et ses apparitions. Son atout majeur, c'est une voix unique, limpide et très forte. Elle a préparé son retour à cette soirée mémorable sur la scène du festival de Carthage en collaboration avec le chef d'orchestre Youssef Belheni, un jeune leader dans le monde de la musique ne cessant de montrer ses capacités à se produire dans des spectacles de qualité.
Najet Attia excelle d'ailleurs dans l'interprétation de l'élégie (al chajan) c'est-à-dire ce chant triste, doux et beau en même temps ; comme lors de sa fameuse chanson, qu'elle n'a pas interprété hier, Khoudouii (Soumission). Parmi les chansons faisant sa renommée, il y a, entre autres, Akaf alik Min al ayem (Je crains pour toi, du temps qui passe) une chanson datant de 1984 présentée pour la première fois lors de l'émission Law Samahtom de Nejib Kattab. Celui, assistant à son spectacle, remarque, sans nul doute, que sa voix est bien meilleure en live que dans les studios. C'est une voix s'épanouissant dans les scènes ouvertes à l'instar de la scène de Carthage.
Extrait du spectacle d'hier sur les planches du théâtre romain de Carthage
Najet Attia est une artiste demeurant solidement dans l'histoire de notre chant, car elle croit en notre patrimoine artistique et dans sa capacité à s'internationaliser, même si elle a chanté par ailleurs des musiques avec des paroles égyptiennes. Elle ne pourra pas se positionner autrement. Elle est, en vérité, l'une des artistes dont l'âme est profondément tunisienne : dans la façon d'interpréter, dans le rythme mélodique et dans le timbre de la voix. Cette habitation par l'art indigène lui permet d'instaurer un rapport de confiance avec son public, même de la part de la nouvelle génération. Celle-ci sait que quand elle écoute Najet Attia, elle est devant une artiste véritable.
Son aura hier sur les planches de Carthage a fait taire tous ses détracteurs. Ces derniers affirment dans les médias de masse que la chanteuse avait perdu de son éclat de jadis. Or, c'est bien le contraire qui s'est produit ce 13 aout 2024. Cette soirée était de facto un hymne à une voix sublime enveloppant à la fois les présents, le temps et l'espace. Même ses collègues, à l'image de la sublime Olfa Ben Romdhane, apprennent d'elle et sont impressionnés par la force et la vigueur qu'elle communique en représentation. Ils voient en elle une source d'émotions interminables et intarissables.
Crédit photos : Zied Jaziri
Article Magnifique
Najet Attia est à sa place non seulement en Tunisie, mais dans tout le monde arabe, voire plus. Espérons la revoir très bientôt.