top of page
  • Kawther Fahem, Ikbel Romdhani, Sabra Missaoui

Oum Kalthoum: symbole d'un art sincère, distingué et éternel

Très difficile d'écrire sur un monument musical tel que Oum Kalthoum. Que dire et par où commencer ? Quarante-deux ans après sa mort, le chant de la diva égyptienne Oum Kalthoum continue de résonner dans le cœur du peuple arabe dans son ensemble. Sa voix polyphonique, forte, puissante, vibrante et exceptionnelle ; sa forte présence sur scène, son regard pénétrant et son timbre unique en son genre ont fait d'elle une légende vivante pour toujours. Son histoire est celle de la petite ­paysanne illettrée devenue une icône de l'Égypte, voire sa "quatrième pyramide". Les critiques d'art sont unanimes à la qualifier comme un phénomène musical qui ne se reproduira plus jamais.


Oum Kalthoum, l’astre de l'Orient


Dans les années 30 du siècle précédent, petits et grands se précipitaient au café du coin ou à la maison autour du poste de radio pour savourer le merveilleux son sortant des ondes de la Radio du Caire. Toutes les oreilles étaient donc tendues vers les mélodies magiques qui sortaient du transistor. Notre cantatrice doit en grande partie son succès populaire aux airs minutieusement concoctés, composés avec patience, étudiés avec le temps qu'il faut, et savamment choisis de Mohamed Kassabgi. Celui-ci considérait l'astre d'orient comme sa muse et l’accompagnait des décennies durant sur les diverses scènes internationales. Il sera le luthiste de son orchestre jusqu’à sa mort.


En réalité, plusieurs rencontres avaient participé à la construction de ce qui deviendra le mythe de la chanson arabe. À ce titre, on peut citer le célèbre poète Ahmed Ramy. Ce dernier écrira plus d'une centaine de chansons de la diva et forgera son dévouement au chant en arabe littéraire. Parmi les plus célèbres compositions d'Ahmed Ramy pour El Sit, comme son public et les membres de sa troupe aiment bien l'appeler, on peut citer Raq El Habeeb. Ce morceau est indéniablement un chef-d’œuvre de la chanson arabe.


Raq El Habeeb

Un style musical arrimé à son temps


Depuis les années 40 du siècle dernier, Oum Kalthoum ne cessait de produire des chansons qui s'arrimaient avec le goût de son public. Celui-ci attendait et se bousculait même pour la voir se produire sur scène. Pour ce faire, la diva élabore un style musical profond valorisant la culture arabe qui est une culture du mot et de la poésie. Pour valoriser cette parole, ce mot, Oum Kalthoum s'entoure donc de talentueux compositeurs tels que Zaqaria Ahmed et du poète Bayrem El Tounsy. Aussi, le style de la chanteuse change du lyrique et savant de Mohamed Kassabgi au style plus moderne, avec un rythme plus dynamique, mais en même temps plus ancré dans les méandres de la culture égyptienne. L'aidant dans cette nouvelle orientation moderniste, la collaboration avec le jeune prodige de la composition à l'époque Riadh Sombati. En l'occurrence, en 1946, Sombati lui compose Salou Qalbi un poème du grand Ahmed Shawki. Le succès de ce mariage artistique, entre la parole intelligente et l'orchestration jeune, est incommensurable.


Travail de Kaouther Fahem sur la réception de Oum Kalthoum à la Goulette

En 1964, Oum Kalthoum enregistre l’une de ses plus grandes chansons populaires, Enta Omri. Celle-ci marquera sa première collaboration avec le grand Mohamed Abdelwahab. En 1966, Sombati compose de nouveau un chef-d’œuvre du patrimoine musical arabe. C'est un morceau racontant les ruines matérielles et intellectuelles arabes. Cette chanson est en effet prémonitoire de la Nakba du peuple arabe c'est-à-dire sa tragédie qui aura lieu depuis 1967. La chanson s’appellera Al Atlal. Les paroles de la chanson proviennent du poète Ibrahim Nagy. Cette œuvre restera dans les annales de l'archive universelle de la chanson et elle figurera également sur la liste des titres les plus connus et reconnus mondialement.


Al Atlal


Oum Kalthoum, dame de modernité


Dans les années 50, 60 et 70, dans un monde arabe rongé par les défaites, la recherche d'une identité perdue et en quête de modernisation et de renouvellement, Oum Kalthoum est restée concentrée sur son art et ne s'est pas inscrite dans un malaise moyen-oriental permanent, profond et destructeur. Plus particulièrement, c'est une artiste ayant survécu aux différents régimes politiques, soient-ils monarchiques, révolutionnaires, pan-arabes ou autoritaires. Aussi, c'est une dame qui a demeuré loin des conflits religieux et ne s'est pas intimidée de la montée de l'islamisme politique à l'époque avec l'organisation des frères musulmans fondés par Hassan El Bana en 1924.




Documentaire sur la vie de Oum Kalthoum diffusé pour la première fois à la chaine Arte le 21 juin 2017


C'est une grande interprète incarnant, de surcroit, par son charisme, sa modernité à la fois comportementale et vestimentaire, une femme arabe indépendante, intelligente et maitresse de son destin, capable d'attirer l'attention respectueuse vers elle et envers son art. C'est une femme qui a toujours revendiqué sa féminité. Celle-ci renvoyait dans le monde entier l'image d'une Égypte arrimée à son temps et désireuse de paix et de prospérité.


Plus qu'une chanteuse


Plus qu’une chanteuse, Oum Kalthoum était en effet la voix, l’âme et le cœur du peuple égyptien avec toute sa complexité et avec ses différentes ethnies et classes sociales. 42 Ans après sa mort, elle est toujours bien présente dans l'esprit du temps présent avec ses chansons racontant les fluctuations de l'amour que la cantatrice interprète avec une grande sincérité.


En outre, Oum Kalthoum lègue au monde de la musique et de la création un répertoire de plusieurs centaines de chansons. Certaines sont connues dans le monde entier telles que Enta Omri, Fakarouni, Alf lila ou lila, etc. Sa carrière, d'une longévité exceptionnelle, plus de 50 ans d'activité sans relâche, l'a propulsée au rang des grands du 20ᵉ siècle au côté de Maria Callas. Son originalité est qu'elle est capable parfois de tenir en haleine son auditoire en l'entrainant dans son univers plus de deux heures et 23 minutes pour une seule chanson en 1966 au théâtre du Nil, voire plus comme lors des soirées qu'elle donnait dans le fameux quartier du Azbakia de la ville du Caire ; pour ne citer que ce lieu. Sa bonne réputation fait qu'elle a été invitée par des présidents de la république et fût accueillie comme une princesse. Aussi, c'est une cantatrice qui s'est produite sur plusieurs scènes mondiales prestigieuses à l'image de celle de l'Olympia à Paris.


Oum Kalthoum avait réussi le miracle artistique de ne jamais disparaître c'est dire de rentrer dans l'histoire universelle. La force de ses cordes vocales et ses concerts étaient l'une des rares choses à faire l'unanimité en Égypte et dans tout l'espace arabe. Le poète Ahmed Ramy disait : "les Arabes ne s'accordent ni en politique ni en pensée ; en revanche, ils ne s'accordent que sur l'écoute d'Oum Kalthoum". Elle garde une place de renne indétrônable même presque cinquante ans après sa mort. En réalité, elle est plus forte que la mort, principalement par la force de sa musique.


Kawther Fahem, Ikbel Romdhani, Sabra Missaoui, Shayma Tabei et Mohamed Ali Elhaou


 À l'affiche
Derniers articles
Archives
  • Facebook Basic Square
  • Twitter Basic Square
  • Google+ Basic Square
bottom of page