Youssou N'Dour à Carthage : gayndé de la musique africaine

Au fil des siècles et de l'histoire, l'homme noir est toujours victime, que ce soit par le refus de son intégration dans la mondialisation ou bien par son exploitation et l'usage de son territoire à des fins mercantilistes pures. Aujourd'hui, sa situation semble-t-elle s'améliorer ? Ne ditons pas que le continent africain sera l'avenir de la planète ?

Youssou N'Dour ce chanteur faisant une carrière mondiale extraordinaire, lui le Sénégalais né le 1ᵉʳ octobre 1959, est venu le 15 aout 2024 non seulement pour chanter, mais pour porter un message de paix, pas de revanche, et d'humanisme aussi bien au sein du continent africain que dans le monde entier. Ainsi, malgré les périples du peuple noir, l'artiste sur scène invite à regarder vers l'avant en ne faisant pas de fixation sur le passé. En tant qu'artiste et même en tant qu'ancien Ministre du Tourisme dans son pays, il connait bien le public du festival de Carthage. D'ailleurs, il a prévenu ses musiciens, avant ce concert, que ça va être une soirée de "tonnerre". Sa dernière arrivée à Tunis, c'était en 2014. Il revient donc 10 ans après avec une forme de jeune de 20 ans. Il a, de fait, enflammé ce théâtre mythique. Vêtu tout en noir dans un habit traditionnel sénégalais s'appelant le boubou, il n'a épargné aucun effort pour chauffer son public ainsi que sa troupe, même si la température à cette nuit était de 30°c.

Youssou N'Dour dansant sur les planches du Festival International de Carthage, @Zied Jaziri

Meilleur concert de toute la 58ᵉ édition

Alors même qu'il reste un dernier concert demain soir de cette édition avec la diva de l'orient Assala Nasri, la performance livrée par Youssou N'Dour et sa troupe est la meilleure de tout point de vue, même celui du réglage par exemple du son avant le démarrage de cette performance. Elle demeurera donc à jamais présente dans les annales des festivités dans notre pays. En effet, le rythme du concert est exceptionnel. Le public présent n'arrêtait pas de chanter et danser sur des mélodies provenant des méandres du continent noir au point que l'on oublie le temps. C'est en vérité une musique libre ne comprenant pas les barrières territoriales ou encore les barrières de la langue.

La troupe accompagnant ce chanteur international est composée de 13 membres. Tous ont plus que la quarantaine. Il y avait également la présence d'un danseur sénégalais souriant et gestant sur le son du Sabar. C'est un instrument de musique à percussion, il peut être grand comme petit. Les percussions se font à travers une petite baguette en bois. On retrouve cet instrument à la fois au Sénégal et en Gambie. Il est en bois avec une membrane en peau de chèvre, il ressemble à la darbouka arabe, toutefois, avec un son très différent, faisant vibrer les pierres de cet amphithéâtre.

Le tube actuel de Youssou N'Dour

Artiste productif

Youssou N'Dour ne cesse de produire des albums depuis 1982 et il a été connu et reconnu dans le monde entier. À son compte, il a plus de quarante d'albums. Ceux qui ne le connaissant pas identifient, au moins, sa chanson phare, son tube, Seven Seconds, produite en 1994 et vendue à l'époque en 2 millions d'exemplaires. La plupart de ses pièces sont, en wolof, le langage des Sénégalais de tous les jours. La force du Youssou N'Dour est que sa voix fait voyager l'auditeur dans le pays natal de l'artiste. Ce qui s'opère donc au moment de cette représentation de génie est de l'ordre de la magie : la danse s'invite en douceur et dissipe toute résistance, même chez ceux qui ne dansent pas du tout. La musicalité produite par cet artiste international invite à la désinhibition et casse toutes les normes de se conduire juste en société.

Petit extrait du spectacle, @Festival International de Carthage

Réel moment de plaisir

Les publics présents composés de la communauté française, la communauté sénégalaise dans notre pays et des familles tunisiennes ont réellement profité d'un pur moment de bonheur. Ils sont sortis plus légers et portant un regard plus fraternel et plus positif sur l'avenir. Tous malgré les différences étaient en osmose. On dirait une fête d'anniversaire et pas un concert musical. C'est bel et bien l'effet de l'art véritable pénétrant dans l'âme sans permission. C'est un pur moment d'harmonie qui s'est cristallisé, entre autres, durant la performance de son morceau Birima. Lors de ces autres opus, les publics ont pu s'arrimer aux battements joyeux et mélodiques produits par la sublime troupe de l'artiste. C'est incontestablement une ode à l'insouciance et à la joie produite par le "lion" de la musique africaine : Youssou N'Dour le gayndé.

Mohamed Ali Elhaou

Crédit photo : Zied Jaziri