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Younes Nawar : " le théâtre est pour moi un piège agréable…c’est le moment pour les entreprises de mettre de l’argent pour financer les activités culturelles"

Mohamed Ali Elhaou

Pour débuter cette année 2025, culturetunisie.com a rencontré un comédien de talent, élégant et charismatique : Younes Nawar. Younes est, en l’occurrence, un comédien frayant peu à peu son chemin dans l’art dramatique et le spectacle. Il est né le 7 juillet 1998. Nawar se lance sans complexe dans des défis pluriels tels que la direction de l’espace d’art dramatique à Hammamet : Hammamet Art et Culture (HAC). Il s’est rapproché du monde de l’art dramatique à son plus jeune âge, mais en même temps, par hasard.  Le monde du cinéma lui ouvre grandement ses portes. Depuis, il a eu des opportunités d’aller vivre de son art dans des pays comme la Suisse, l’Italie ou la France. Mais, il préfère travailler à partir du pays qui l'a vu naître et grandir. Il croit dur comme fer qu’il y a plusieurs choses à faire dans le cadre du contexte tunisien. En 2024, il a participé à trois longs métrages qui ont cartonnés à l'échelle nationale et dans plusieurs festivals à l'international. Ces films sont : Aicha de Mehdi Barsaoui, Red Path de Lotfi Achour et Fanon de Jean-Claude Barny.


Le comédien Younes Nawar ©culturetunisie.com
Le comédien Younes Nawar ©culturetunisie.com

Comment le comédien Younes Nawar a débuté dans le monde de l’art dramatique ?


Au départ, ma préoccupation première fut d’apprendre. Chaque projet que j’entreprends, j’ai la forte conviction qu’il va m’apporter un plus. En effet, je viens du théâtre amateur et par la suite, je maintiens cet objectif de professionnalisation depuis que j’ai rejoint l’Institut supérieur d’art dramatique (ISAD) en 2019. Mon amour premier, c’est le théâtre. Au départ, j’avais pour ambition de me contenter et de me satisfaire uniquement de ce domaine. Mais, de plus en plus, j’ai une passion très particulière envers le monde du cinéma. Depuis mon jeune âge, comme la plupart des jeunes de ma génération, je suis cinéphile. Ma première expérience dans le monde de l’art dramatique était donc avec le théâtre ; c’était dans le gouvernorat de Monastir et plus particulièrement à Ouardanine au sein de la Maison de la culture de cette ville, plus précisément. Je suis autodidacte, on était un groupe et on n’avait pas d’encadrant, c’était tout simplement une formation reposant sur l’autonomie et la liberté dans l’exploration artistique. Une année avant le bac, en 2016, je me suis intégré à un club de théâtre au lycée, c’était le fruit de la politique éducative initiée par Neji Jalloul.


Ce club était très actif, notamment les vendredis après-midi. On était sous la supervision d'une professeure d’histoire-géo. Le club s’appelait "Excursions et théâtre". D’ailleurs, même à la maison de la culture de Ourdanine, il n’y avait pas d’encadrant spécialisé dans le théâtre. Dans cette nomination du club, sincèrement, j’ai été bien plus attiré par les "excursions" que par le théâtre. Le théâtre est pour moi un piège agréable. De fil en aiguille, on commençait à écrire une pièce de théâtre à l’initiative de la professeure. Le but est de la représenter collectivement vers la fin de l’année scolaire. Je n’ai pas hésité à écrire et à participer, même si mon environnement de départ ne favorisait pas la familiarité avec l’art. Pour écrire cette pièce, je me suis inspirée en effet de la série "Happy Ness" de Majdi Smiri diffusée pour la première fois en 2013 et 2014. Cette première œuvre, s’intitulant "Happy famille" (عائلة), a très bien marché à l’échelle scolaire et amateure. Elle a drainé plusieurs publics du gouvernorat de Monastir. On est même parti pour faire une représentation à Sidi Ameur, une petite ville de la région du Sahel. Progressivement, notre petite troupe a rencontré un autodidacte de plus, un certain Bilel Zouaghi, il était aussi très passionné par les planches.


Dans notre troupe, il y avait également Ayoub Boughalleb. Aujourd’hui, il est à l’académie d'art de Sharjah. Peu à peu, Sidi Ameur est donc devenu notre lieu de rencontre et de prédilection pour faire du théâtre. Durant les premiers cinq mois, on était dans le tâtonnement. Parfois, on réalisait des exercices de respiration, d’autres des mouvements corporels, mais sans plus et sans méthode claire. Ses essais de groupes se poursuivaient, jusqu’au jour où on avait réalisé notre première pièce intitulée "Une femme, pour mille" en 2017 (إمرأة كألف). Par la suite, nous avons convaincu Bilel de venir à Ouardanine pour faire du théâtre. À Sidi Ameur, il y avait une Maison de jeune avec une petite scène, alors que à Ouardanine, il y avait bel et bien une Maison de culture avec une scène un peu plus grande qui supporte 500 spectateurs et elle est mieux équipée. Depuis, notre première expérience à Ouardanine, nous a permis d'être les pionniers dans cette petite ville. Désormais, il y a cinq groupes de théâtre s’expérimentant à l’art dramatique, grâce donc à notre premier pas.


À 19 ans, le décès de mon père a constitué pour moi le premier traumatisme. Mais bizarrement, ce premier choc existentiel et émotionnel a suscité en moi l’esprit du risque. Alors que j’ai été programmé pour une branche scientifique, la perte de mon père m’a orientée bien plus vers un désir de s’exprimer autrement, notamment via les arts. L’art dramatique, que d’ailleurs je n’ai plus jamais quitté depuis 2016, m'a conduit ainsi à la production d’une troisième pièce faite au sein de la Maison de la culture de Ouardanine s’intitulant "À la recherche du trésor" (البحث عن الكنز) a été une représentation très réussie, notamment auprès du public jeune.


L’absence du paternalisme, une clé pour aller vers l’art ?  


En vérité, ce n’est pas la question de la mort de l’autorité du père qui m’a conduite vers l’art, c’est bien plus un désir d’échapper aux contraintes sociales de mon lieu de naissance et de la conscience conservatrice dans les milieux ruraux qui sont loin de la capitale, de manière générale.  J’ai trouvé dans l’Institut supérieur d’art dramatique, le lieu de l’expression libre et de la formation universitaire pour tout ce qui concerne le monde de l’art dramatique. C’est aussi l’endroit où certaines propositions ont commencé à se présenter à moi telles que le film "Red Path" - الذراري الحمر de Lotfi Achour, dont j’ai commencé le tournage en 2021. Par la suite, j’ai également travaillé dans le film "Aicha" de Mehdi Barsaoui, dont le tournage a commencé en 2022, et troisièmement, j’ai travaillé dans un film international "Fanon" du réalisateur guadeloupéen Jean-Claude Barny. Celui-ci a été présenté au mois de décembre 2024 au Festival international du film de Marrakech, au Maroc. J’ai également participé à deux autres longs métrages, actuellement en post-production.


Quels sont vos projets pour cette année 2025 ?


Généralement, je ne suis pas du genre à planifier. Je laisse les choses venir de façon spontanée. J’essaye de profiter du temps présent, j’aime bien le Dionysos en moi. J’aime aussi cet être théâtral à l’intérieur de mon âme. À l’avenir, Younes Nawar peut renouer avec le théâtre, ses représentations et ce contact direct avec le public. Dans le monde théâtral, je suis de plus en plus attiré par la mise en scène. Celle-ci permet une amplitude d’expression et d’écriture. D’ailleurs, cette écriture, je ne l'envisage pas au sens premier du terme. Je peux bel et bien écrire avec mon corps.


Dans notre pays, je crois que c’est le moment pour les entreprises de mettre de l’argent pour financer les activités culturelles. Car il y a un grand potentiel de comédiens, mais ces derniers ne trouvent pas la productivité nécessaire pour garder leurs outils d’acteurs ainsi que leur présence d’esprit. Ces deux éléments se travaillent en permanence. Dans cette perspective, si on prend l’exemple de Brecht, celui-ci ne croit pas dans la prégnance de la théorie par rapport à l’acting lui-même et l’aura que peut dégager un acteur sur scène. Ainsi, la densité de la production dramatique, c’est elle, à force de forger, qui va t’enseigner comment trouver la bonne façon d’incarner un personnage.


De mon propre point de vue, je me suis donc donné pour objectif d’aider à renouveler ce champ d’art dramatique. Ceci commence tout d’abord par moi-même, mes proches et même par l’investissement dans la pierre, c’est-à-dire dans l’infrastructure afin de travailler la superstructure qui est le 4art et le cinéma. Dans ce contexte, est venu le projet d’un espace culturel à Hammamet. En effet, il s’agit d’une ancienne salle de cinéma créée en 1976. Elle s’appelait dans le temps « inchirah », (gaieté). Elle a été rénovée en cette année 2025. Cette même salle avait été exploitée en tant que lieu pour les fêtes de mariage, à partir de 2002. Mais maintenant, il y a une volonté de la part de son propriétaire de reprendre sa vocation première, à savoir : le cinéma et les représentations sous toutes leurs formes. Avec mes amis, nous avons repris cette salle qui fut en ruine puisqu’elle avait trouvé des difficultés depuis 2017.


Espace Hammamet Art et Culture avant sa rénovation ©HAC
Espace Hammamet Art et Culture avant sa rénovation ©HAC

Actuellement, je mets beaucoup d’espoir et de volonté pour que ce lieu devienne un tremplin pour un nouvel élan de créativité dans la localité de Hammamet. C’est aussi une plateforme pour tisser des liens avec les pays occidentaux et orientaux. L’investissement dans cet espace Hammamet Art et Culture (HAC) est une façon de connaitre de plus en plus les acteurs de la production et de la diffusion, notamment des associations telles que Sada. L’espace HAC après 9 mois de travaux, débutés en 2024, est désormais prêt pour l’exploitation. Pour moi, c’est un projet de vie. Il se divise en trois étages et un sous-sol. Il est situé en plein cœur de la ville, à proximité du boulevard emblématique, accueillant des visiteurs du monde entier grâce à sa mer, mais aussi à l’ouverture d’esprit qui la caractérise.  Cet espace culturel se trouve donc plus particulièrement en plein milieu de la cité commerciale de la ville, dans laquelle il y a des bars, des cafés branchés, des restaurants, de l’artisanat et des hôtels vibrant au rythme de cet endroit qui ne dort pas, surtout en été. Cet espace dispose ainsi de 1000 m² exploitables pour les différents types d’art.


Sur le plan purement artistique, j’ai un projet en cours avec le metteur en scène Ali Yahyaoui. C’est un monodrame qu’on est en train de mettre en place progressivement. Dans ce travail artistique, j’ai pris la place du grand comédien Jamel Madani. Après avoir arrimé nos deux visions, le metteur en scène et moi-même, on s’est entendu pour travailler ensemble. Ce monodrame s’appelle "L’étranger", "El garib". En gros, c'est l'histoire d'un homme de Tataouine venntt tenter sa chance dans le centre-ville de Tunis.

Entretien réalisé par Mohamed Ali Elhaou

 

 

 

 

 

 

    

 

 

 

 

  

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