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The Lover, l’amant de Harold Pinter interprété par Jami et Alouane : monotonie de couple et perplexité

Mohamed Ali Elhaou

Le 11 juin 2024 à 18 h 30, le public avait rendez-vous avec une pièce de théâtre « The Lover » ou l’amant du dramaturge et metteur en scène britannique Harold Pinter. Cette avant-première a eu lieu à l’Institut Supérieur d’Art Dramatique (ISAD) à Tunis et plus précisément à la grande salle de cet établissement Abdelaziz Agrebi. La proposition de ce spectacle est l’idée de l’inépuisable et formidable enseignant Ayman Allan. Dans cette pièce, jouent les deux excellents comédiens Jamila Jami et Oussama Alouane. Durant une heure d’art vivant, les deux acteurs ont produit une prestation très sincère et bourrée d’énergie.


Après 10 ans de mariage, le couple n’arrive plus à se renouveler. La pièce montre que les conventions sociales et les impératifs de se marier, qui se pose avec prégnance dans les pays arabes, n’est plus vraiment une solution dans un monde où l’homme est de plus en plus faible et où la femme ne trouve plus de répondant à ses désirs surtout si elle reste femme au foyer.
Jamila Jami et Oussama Alouane, The Lover, le 11 juin 2024, ©Elhaou

Le spectateur constate indéniablement une réelle alchimie entre les deux performeurs. La scénographie de la pièce comporte un décor minimaliste de salon, de la cuisine et du bureau. La lumière de la pièce repose sur un éclairage de profil et une ambiance tamisée avec un éclat doux connotant un univers aristocratique, un domicile calme en apparence, mais qui grouille de crises et de maux indicibles entre le couple.


La pièce se déroule donc dans une maison située à la banlieue de Londres. C’est l’histoire d’un couple cherchant à trouver du sel à leur mariage. Richard et Sarah. Richard travaille en l’occurrence dans le monde de la finance et Sarah est femme au foyer. Le premier est absorbé par son travail ; la seconde recherche des nouvelles sources de satisfaction. Le rythme de la pièce est très long et même provocant par sa lenteur. Mais c’est voulu. C’est une forme de transgression de l’univers d’attente du spectateur. Aussi, Richard est extraverti, il exprime sa colère, son dégoût de sa femme ; en revanche, Sarah est dans le silence, le murmure, le regard pinçant et la colère brutale. Elle se moque de ses remarques, mais pour le détruire complément.


Extrait de la pièce, @Oussama Trabelsi


Dans cette vie ensemble dans l’incommunication, le couple trouve une astuce, Richard le mari, incarne désormais l’amant de sa femme, pour lui donner du plaisir et pour renouveler son désir de lui. Mission pas facile, car même entrée par la fenêtre, d’une nouvelle façon, Richard est confronté à une femme complexe qui veut le dominer par le silence. Ce faux tiers, joué par Oussama Alouane, révèle au grand jour l’impuissance de l’homme moderne : il ne réussit plus à répondre aux demandes de sa conjointe idéellement et matériellement.


Le mariage, une prison à ciel ouvert


Après 10 ans de mariage, le couple n’arrive plus à se renouveler. La pièce montre que les conventions sociales et les impératifs de se marier, qui se pose avec prégnance dans les pays arabes, n’est plus vraiment une solution dans un monde où l’homme est de plus en plus faible et où la femme ne trouve plus de répondant à ses désirs surtout si elle reste femme au foyer.


Cette pièce, présentée la première fois en 1963 à Londres, résonne bien dans le contexte tunisien actuel. C’est en effet une pièce en un seul acte appréhendant la monotonie et l’incompréhension de plus en plus marquée entre la femme et l’homme. C’est ainsi une mise en scène de la dialectique de la tradition et une nouvelle culture d’émancipation, mais qui ne sait pas où aller.


Jamila Jami a fait un travail formidable dans un style de jeu mettant l’accent essentiellement sur les mimes et les expressions faciales. D’ailleurs, l’univers de la pièce est presque cinématographique et travaille sur une scénographie de plateau de tournage.


Le public présent s’est marré sur certaines répliques, sortant du cœur d'Oussama Alouane, comme celle dite par Richard à sa femme : « tu es maigre comme une canne à sucre » (ceci est dit en tunisien). Grosso modo, le travail artistique est très sincère et le public n’a pas vraiment senti le temps passé. Aussi, Jamila Jami a tout donné dans ce spectacle au point qu’elle s’est coupée un peu le doigt. Pourtant, elle a continué son travail avec brio. Aussi, cette dramaturgie met en relief que cette relation de couple ne tient qu’à un fil, elle s’exprime en ces proses :


De l’amour à la haine, il y a qu’un seul pas

J’en ai fait plusieurs et pourtant je n’arrive pas à te haïr

J’aimerais entendre ton cœur battre pour moi

Pas seulement quand je te donne du plaisir

Tu te perds dans la passion, la fougue, l’intensité

À oublier l’affection, la douceur, l’intimité

Entre l’amant que tu aimes jouer

Et le mari que j’ai connu, que j’ai aimé

Tu sembles avoir décidé

Tu me veux vendeuse de charme pour assouvir tes désirs

Moi, entre deux larmes, je repense à ta femme qui voudrait partir


Partir, mais où ? Dans les bras d’un autre homme ou bien dans les ténèbres de la solitude ? Sur ce point, la pièce nous laisse sur notre soif. Espérons que cet acte théâtral accessible et vaudeville trouve son chemin vers d’autres planches. Il faut d’abord que les deux acteurs se réconcilient, car ils ont pris au sérieux les rôles qu’ils ont joués.


 

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Invitado
21 jul 2024
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Je confirme, Oussama Olouane est un grand comédien, je l'ai vu à Mehdia

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