Sur les planches du Festival International de Carthage : Sara Baras et son ballet invitent à un art authentique
La 58ᵉ édition du Festival International de Carthage a le vent en poupe, notamment avec le spectacle du 23 juillet 2024 de la star internationale du flamenco Sara Baras. Le public a rempli moyennement les gradins de cet amphithéâtre romain situé à la banlieue de Tunis. Sara Baras a organisé totalement la mise en scène de sa performance artistique comprenant trois cabinets noirs de chaque côté pour abriter tantôt une lumière de profil, tantôt pour cacher le jeu des membres de sa troupe, à savoir les musiciens, les chanteurs ou encore les danseuses et en même temps laisser entièrement la scène à une chorégraphique très émotionnelle et sensuelle.
Cette représentation a montré que les Espagnols et plus particulièrement les Andalous excellent dans l'expression théatrale et corporelle, ont le sens de la rythmique et surtout l’art de la danse des pieds ; les tableaux dansés changent tous les 10 minutes. Au fil du temps, Sara Baras, elle, l’amie du grand acteur Antonio Banderas, a formé son propre ballet, reconnu désormais mondialement depuis 1999. Il faut dire que la culture espagnole offre à chaque édition du festival de Carthage, depuis le concert de Julio Iglesias vers la fin des années 90, un concert demeurant gravé, à jamais, dans la mémoire artistique et culturelle de notre pays.
Art énergique et inédit
La danse du talent est propre à la culture du sud de l’Espagne, celui-ci est un instrument de musique qui s’ajoute à la darbouka et à d’autres instruments de percussions comme le cajón. Le flamenco, c’est une forme d’expression sociale et culturelle d’une identité située entre l’Europe et le monde oriental dans laquelle la femme prend une grande importance. Le concert, qui a duré une heure et 30 minutes dans une ambiance chaleureuse, a été une succession de tableaux chorégraphiques aussi sublimes les uns que les autres par la qualité du son, des costumes, des mouvements collectifs et synchronisés à la seconde près.
Cette danse théâtrale folklorique avec laquelle l’artiste entame une tournée mondiale depuis le début de cette année se veut un hommage à Paco de Lucía son compagnon de route. Alors que sa compagnie fête ses 25 ans, Sara Baras souhaite montrer à cor et à cri sa fidélité à ce génie de la guitare sèche. Les chants dans cette œuvre portent le signe du respect à cet artiste, de l'affection et de l'amour.
Ainsi, ce projet artistique s’intitule « Vuela », il se veut une danse transcendante du temps et de l’espace. Les spectateurs de cette chorégraphie, où les différents arts étaient dedans, fussent transportés dans un monde magique que seule Sara Baras et sa dynamique troupe sont capables de montrer et reproduire sur scène.
Ce voyage chorégraphique, aux tréfonds de l’identité espagnole, composé de 15 pièces uniques dans lesquelles le corps avec ses mouvements de jambes, de hanches, de claquement des mains, ses cris, ses douleurs, ses gestuelles, ses accolades, ses salutations, exprime le chagrin des séparations et la joie des retrouvailles. Ces pièces ont également été marquées par l’énergie d’un violon arrimé à la musicalité andalouse ainsi que les percussions qui renvoient vers la corrida espagnole, dont l’une des caractéristiques est de faire bouger le corps au bon timing pour esquiver la mort.
Baras, torero sur scène, avec son ballet
Cette représentation, vraie découverte, alimente bel et bien l’esprit et sort de l’univers de l’art facilement consommable. Sur des "Olé Olé" en timbre cassé et sur un vent qui a été au service de son art, Baras, a réussi à enchainer son public dans une atmosphère poétique et rythmée : à la fois triste, joyeuse, demandant de l’endurance et de la communicabilité entre les membres sur scène. L’ensemble des mouvements de son ballet sont donc dans le charme, l’harmonie et la minutie du regard au moindre geste. C’est à la fois une performance très disciplinée, mais en même temps vive et improvisée. Les artistes sur scène étaient tous des toreros s’exprimant par la musique et les cris.
Leur musique est tellement authentique qu’elle se passe des mots et peut aisément se produire en pleine nature : exprimée par les petits palmiers mobilisés sur scène. Tout compte fait, c'est un show de haute pointure retraçant certain quotidien de l’Espagne comme celui de la pêche dans une forme théâtralisée. Sans hésitation, on peut dire que pour l’instant, c'est la seule soirée, depuis le début de ce 60ᵉ anniversaire de ce festival tant attendu, favorisant l’expression de l’art de manière toute entière. Car elle porte non seulement une culture, mais surtout une vérité sur l’identité espagnole, dont le langage nous est très familier au final, même si nous ne comprenons pas la langue parlée.
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