Homini Lupus de Grégoire-Gabriel Vanrobays : effet de loupe sur les maux de la société moderne
Les amateurs du théâtre ont pu profiter de la pièce Homini Lupus du metteur en scène belge Grégoire-Gabriel Vanrobays présenté dimanche 24 novembre à 19 h à l'espace El Teatro dans le cadre de la 25ᵉ édition des Journées Théâtrales de Carthage. Dans cette œuvre jouent tour à tour : Bunny Chriqui, Raphaël Fournier, Mahmoud-Hugo Ktari.
Le pitch de Homini Lupus
Cette pièce écrite par Julien Altenburger est un manifeste des enjeux rongeant principalement les sociétés européennes : le rapport au fondamentalisme religieux, l'immigration, la violence faite aux femmes et l'homosexualité. En réalité, ces différentes problématiques sont celles du nord et ont été performées avec émotion, sincérité de jeu et de sensibilité par les trois comédiens sur scène. Pourquoi on dit problématiques du nord ? Car par exemple, on évoque moins le racisme, la domination des peuples, la mobilité sociale en panne dans les pays industrialisés et l'ostracisme.
Esthétique de la pièce
Durant 1 h et 20 minutes, le public était devant trois récits de vie racontés dans la langue de molière. Il importe de signaler dans cette perspective que le style théâtral français-belge est dominé par le langage littéraire et le style soutenu dans l'évolution de l'intrigue. Aussi, dans la performance des acteurs, il y a très peu de musique et beaucoup de mots. Ceci à la différence de la manière tunisienne par exemple. Celle-ci met beaucoup plus l'accent sur la situation et les visuels, bien plus que sur la parole. En effet, la séduction de la langue française théâtrale s'opère via les mots ainsi que la capacité de narration bien plus que dans la théâtralisation.
Pièce engagée
Homini Lupus (l'homme est un loup pour l'homme) est une représentation engagée. En l'occurrence, elle entreprend un effet de loupe sur trois parcours de vie. Le premier récit est celui d'un couple : un policier et sa femme. Celle-ci finit par ne plus l'aimer. Leur amour, à l'épreuve du temps et de la pression du quotidien, s'étiole : se transforme en actes de viol et de violence. Un jour, la femme, par légitime défense, finit par tuer son conjoint, le policier ; celui-ci rentre souvent bourré pour oublier ce qu'il avait vu comme atrocités diverses dans son travail.
Le deuxième récit, un personnage fuyant un pays gouverné par les Mollahs. Ces derniers appliquent la Charia sans aucune nuance et où on lapide les femmes. Ce personnage est habitué à la culture du silence et voit sa maitresse, son amante lapidée sans rien pouvoir dire. Cette partie est très lacunaire. Elle réduit la complexité des sociétés arabes et orientales. Celles-ci, à examiner de près, recèlent toutes les nuances et les couleurs présentes dans les pays occidentaux. Ce personnage, quelque temps après, décide d'immigrer pour fuir l'oppression. Dans une embarcation de fortune, la barque prend de l'eau en pleine mer. Il voit donc le passeur en train de se débarrasser de certains passagers ; sans aucun scrupule quant à la vie humaine. Ce deuxième récit raconte de ce fait un double drame : la violence conjugale et la violence mercantiliste.
Le troisième récit est celui d'un homme provincial ne trouvant pas d'appétit à faire l'amour avec sa copine dans un milieu rural français. Du coup, il devient la risée de ses copains et de son entourage proche d'autant plus que sa copine avait divulgué son impuissance. L'histoire se passe en l'occurrence dans les années 80.
Ne pouvant plus rester ainsi dans un milieu rural hostile, l'homme part à Paris. Il commence à travailler dans un cabaret jusqu'à tomber amoureux d'un homme aisé. En même temps, il découvre son homosexualité. Peu à peu, il se met également face à la séropositivité, à l'époque c'étaient juste des taches noires sans nom. Peu à peu, on l'appellera sida. Le provincial perd donc son amant. Dès ce drame, il décide de s'engager pour sensibiliser à ce mal, mais aussi à ne pas taire l'intolérance sociale à l'homosexualité.
Finalement, pièce contenant plusieurs intrigues et mérite attention. À l'espace El Teatro, elle fut à sa trentième représentation à la fois européenne et mondiale. Son point fort est surtout la qualité du texte narré, presque comme un roman, et très bien approprié par les comédiens dont le jeu était très juste.
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