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"Gouna" de Farhat Debbech : récits des douleurs du Sud et dialogues poétiques

  • Mohamed Ali Elhaou
  • 25 mai
  • 3 min de lecture

La pièce démarre avec le son de chiens qui aboient, le mouvement des vagues qui s'écrasent sur la plage ainsi que le bruit des oiseaux migrants. C'est le mois de décembre, marquant la fin d'une année. "Gouna", pièce de théâtre de Farhat Debbech, fut présentée vendredi 23 mai 2025 dans le cadre de la 5e édition de la "Semaine du Théâtre Municipal" qui a eu lieu entre le 20 et le 24 mai 2025. Elle dure une heure et trente minutes.


"Gouna" de Farhat Debbech au Théâtre Municipal de Tunis, le 23 mai 2025 ©culturetunisie.com
"Gouna" de Farhat Debbech au Théâtre Municipal de Tunis, le 23 mai 2025 ©culturetunisie.com

Gouna est en effet une œuvre mûrement élaborée et travaillée. C'est une production du Centre des Arts Dramatiques et Scéniques de Médenine, diffusée pour la première fois vers la fin de 2023. Elle raconte la mentalité des gens du Sud de la Tunisie. Parmi les traits de cet esprit, tels que présentés dans cette pièce, figure la volonté de quitter le pays clandestinement, en payant 15 mille dinars (selon la pièce), pour aller construire un avenir pensé comme radieux dans les territoires industriels, plus particulièrement en Europe.


La pièce de théâtre est écrite et mise en scène par Farhat Debbech, avec la collaboration en tant que comédiens de Jamel Chandoul, Hamza Ben Aoun, Jihed Fourti et Lassaad Jheder. La scénographie est de Habib Ghrabi, l'éclairage d'Abdel Karim Dhief Allah, les costumes d'Asma Ben Hamza, la régie générale d'Aymen Seriti, la régie de scène de Sassi Messaï, la régie lumière de Saber Naguez, la régie son de Wissem Seif Nasr, la production écrite de Sihem Medini, et la régie financière de Samir Frifita.


Les événements de cette œuvre, Gouna, terme courant parmi les "harragas", ceux qui traversent les frontières illégalement, désigne l'endroit où les candidats à l'immigration clandestine se rassemblent avant le départ de leur barque de fortune. Gouna est donc un lieu presque abandonné au bord de la mer, dans un cimetière maritime, d'où partent les embarcations.


Ce qui est intéressant dans la pièce, c'est que Farhat Debbech s'est concentré sur les récits des personnages : comment ont-ils échoué dans leur propre pays, bien plus que sur le comment de l'acte de l'immigration en tant que tel.


"Gouna" de Farhat Debbech, pièce pleine de recherche sur la Tunisie du Sud ©culturetunisie.com
"Gouna" de Farhat Debbech, pièce pleine de recherche sur la Tunisie du Sud ©culturetunisie.com

Le récit de cette œuvre théâtrale tourne, en l'occurrence, autour de quatre personnages. Un chercheur ayant échoué dans tout ce qu'il entreprend, interprété avec beaucoup d'humour et de profondeur par Hamza Ben Aoun. Ce chercheur-docteur a fait toutes les formations proposées par la "société civile", fondé des partis politiques, essayé l'expertise, la recherche, en vain. Il n'a jamais réussi une entreprise quelconque.


Le deuxième personnage est celui d'un photographe pauvre. "Shems" est le nom du personnage incarné par l'acteur Lassaad Jheder. Un photographe portant son appareil photo là où il va, documentant les moments de joie et de tristesse. Comme les autres profils, c'est un marginal souvent objet de moquerie, et dont la personnalité est fragile, fébrile et perturbée.


Le troisième personnage est celui du passeur vivant dans un no man's land interprété avec une grande énergie par Jamel Chandoul. C'est le témoin d'une génération perdue risquant sa vie pour voir d'autres cieux et trouver des expériences humaines et matérielles meilleures. Une génération cherchant sa première réussite : comment sortir du cercle vicieux et de la prison à ciel ouvert dans laquelle elle survit ?


Le quatrième personnage est celui d'un Tunisien noir magnifiquement incarné par Jihed Fourti. Ce dernier se sentant chaque jour davantage qu'il n'appartient pas à ce pays à cause d'actes de racisme ordinaires, car la plupart des gens se focalisent sur son apparence bien plus que sur son identité.


Tous ont des rêves reportés. Ce sont des oubliés de la société, du pouvoir et de l'organisation dans la cité. Les quatre comédiens ont fait un travail magnifique et très professionnel, entre autres Jamel Chandoul, un vétéran du monde du 4ᵉ art. Ils connaissent à la fois la douleur du théâtre et les souffrances sociales des gens du Sud : "Mihchi Mednine", comme ils disent.



Tous ont joué ainsi dans la justesse, la spontanéité et avec un sens de l'humour aigu. Les dialogues et la musique sont très bien ficelés et poétiques. Toutefois, la narration est, à certains moments, très longue. Peut-être que Farhat Debbech a voulu tout dire dans cette pièce ?
Les quatre personnages de la pièce "Gouna" de Farhat Debbech ©culturetunisie.com

Tous ont des rêves reportés. Ce sont des oubliés de la société, du pouvoir et de l'organisation dans la cité. Les quatre comédiens ont fait un travail astucieux et très professionnel, entre autres Jamel Chandoul, un vétéran du monde du 4ᵉ art. Ils connaissent à la fois la douleur du théâtre et les souffrances sociales des gens du Sud : "Mihchi Mednine", comme ils disent.


Tous ont joué ainsi dans la justesse, la spontanéité et avec un sens de l'humour aigu. Les dialogues et la musique sont très bien ficelés et poétiques. Toutefois, la narration est, à certains moments, très longue. Peut-être que Farhat Debbech a voulu tout dire dans cette pièce ?


En tous cas, tous les comédiens ont bien approprié leurs personnages et ont pu libérer des récits qui engloutissent ces derniers et les étranglent dans une vie marquée par d'éternels recommencements de l'échec et de la frustration.


1 commentaire

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khmaies Ben Younes
25 mai
Noté 5 étoiles sur 5.

Je n'ai pas vu la pièce, mais votre texte donne vraiment envie de la voir. Très belles photos

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