Amal Guermazi, Meherzia Touil et Mehdi Ayachi au Théâtre Municipal de Tunis : rouge, blanc et enchantement
- Mohamed Ali Elhaou
- 20 avr.
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 avr.
Le projet musical d'Amal Guermazi ressemble, à bien des égards, dans ses grandes lignes à ce que fait André Rieu en Europe ; pour les moins ambitieux, il ressemble à celui de Yasmine Azaiez ou encore à ce que fait le musicien marocain Bouchart qui a été à la 58e édition du festival de Carthage. En d'autres termes, c'est une représentation fluide, qui demande à quelques moments la participation du public et qui ne demande pas beaucoup de concentration pour comprendre l'essence des mélodies et leur cohérence.

De fait, les spectacles d'Amal Guermazi et de son compagnon Shadi Hakmi, rencontré en 2018, tournent autour de la réinterprétation et du réarrangement des grands morceaux ayant fait l'identité de la musique arabe, avec un style plus moderne.
Ce style musical ambitieux tenait ainsi sa promesse jeudi 17 avril 2025. Un public ainsi hétéroclite et un peu bourgeois était donc au rendez-vous pour découvrir cette artiste qui se produit pour la première fois en Tunisie.
Cette performance musicale est un hommage aux classiques, tarabi, de la musique et des chansons arabes. C'est un concert exceptionnel au Théâtre Municipal de Tunis, durant 1 heure 45 minutes, sous la baguette magique et le violon de l'artiste Amal Guermazi. Cette représentation a été faite avec des musiciens tunisiens et des interprètes comme Meherzia Touil et Mehdi Ayachi. Ceux-ci ont été sollicités pour garnir ce concert. D'ailleurs, ces deux derniers se sont fait connaître à l'échelle arabe, notamment lors de l'émission de télévision The Voice.

D'un point de vue du public tunisien, le répertoire musical présenté lors de la soirée de jeudi est souvent écouté à la radio, mais cette fois avec une orchestration bien travaillée misant sur les instruments et leurs capacités à reproduire ces morceaux.
À titre d'exemple, il s'est agi des titres suivants : Haramt ahibek de Warda, Foug el Nakhal de Sabeh Fakhri, Wassafouli essabr de la diva Om Khaltoum, Bahtha hbibti du patrimoine tunisien, Mafich Haga tigui de Nancy Ajram, Ya Sahari layali de Fayrouz, Lamouni elli ghaerou minni de Hédi Jouini, et bien d'autres morceaux. Aussi, il y avait une interprétation de la chanson de Shakira, Whenever-wherever, pour apporter une touche punchy au spectacle.
Meherzia Touil, lors de ce concert, a ravi l'auditoire présent avec sa voix sublime, sa technicité dans le chant, sa sensibilité et sa tristesse naturelle qui s'épanouissent surtout lorsqu'elle chante Najet Assaguira ou encore Oulaya. Sa voix recèle une empreinte maghrébine indélébile, même si, dans ce spectacle, elle a chanté Oum Kalthoum.
Quant à Mehdi Ayachi, il a rendu hommage au grand chanteur et compositeur syrien Milhem Baraket, notamment avec sa chanson Ya Habibi Hobak Hayarni. Sa voix est élégante, très cassée et en même temps très proche du registre soufi. À l'écouter, le spectateur se rappelle principalement Hathra de Fadhel Jaziri.

Par le biais de ses représentations, le groupe Mazzika Orchestra a pour ambition de rapprocher ces classiques des oreilles des auditeurs internationaux. La maestra Amal Guermazi, portant une robe rose, dans cette soirée du jeudi, comme lors de son spectacle au Maroc, est emportée corps et âme par chaque son sortant des instruments de la troupe qu'elle dirige. Elle veille sur chaque morceau et explique la performance à son public après chaque interprétation, que ce soit faite par elle ou par les deux interprètes.
Elle est originaire de Sfax, diplômée de l'Institut supérieur de musique et sillonnant les villes européennes depuis maintenant 15 ans. Ainsi, Mazzika Orchestra, la troupe qu'elle dirige, s’est produite dans des salles prestigieuses à travers l’Europe, parmi lesquelles le Casino de Paris, le Trianon, le Bataclan et le Cabaret Sauvage en France, ou encore l’Alhambra à Genève, la Flagey à Bruxelles et le Megarama à Casablanca. Guermazi collabore également avec l’université de Harvard, l’opéra de Reims et l’Orchestre philharmonique de Paris, entre autres.
Très petit extrait du spectacle ©culturetunisie.com
C'est une découverte à encourager, surtout lorsqu'elle donne l'opportunité à des chanteurs de talents tels que Meherzia Touil et Mehdi Ayachi. Le seul bémol : c'est que le spectateur n'a pas entendu une production nouvelle, une nouvelle mélodie, une chanson naissant ici maintenant et qui a du succès. C'est en ce moment une crise au niveau de la création mélodique et des paroles tarabi, comme si cette génération était stérile artistiquement ?
Cela donne envie vraiment de voir le spectacle, bonne continuation et bravo !