"Aliénation" d'Instissar Issaoui : mise en contraste de l'emprisonnement familial et la recherche de la liberté impossible
Le 8 décembre 2024, le public de la 10ᵉ édition des "Rencontres Théâtrales de Lartisto" avait rendez-vous avec la pièce "Aliénation" de Intissar Issaoui. Cette pièce dure une heure et demie et narre le retour d'Alya après 20 années d'absence en France au foyer familial. Au sein de celui-ci, il n'y reste que Driss avec son fils Rostom. Entre temps, Alya rentre accompagnée de sa fille Carole, née en France et dont le père est décédé. Alors que le frère et sœur n'ont pas caché leur fusil ; même après ces longues années d'absence. Leurs enfants Carole et Rostom semblent retrouver un air familial que la génération adulte avait perdu. Alya et Driss, même si portant le même sang et la même chaire, ne gardent aucune sympathie l'un pour l'autre. Leurs regards sont envenimés par l'animosité, le ressentiment et la haine éternelle. Ils cohabitent dans l'insulte, la ruse et le déni de l'autre.
Petit extrait de la pièce "Aliénation" d'Intissar Issaoui ©culturetunisie.com
Issaoui invite au pardon et à l'amour
"Aliénation" est une descente en enfer à cause de la chute de la notion de famille dans un pays comme le nôtre. Celle-ci devient la principale tempête de la vie, surtout quand les grands partent. Au sein de celle-ci, les divergences d'intérêts matériels et les conflits n'ont pas de solution. Ce sont une flamme accélérant la perte de la forme mentale et physique de chacun des protagonistes de la guerre fratricide, l'arrivée de la fin et de la mort. "Aliénation" alerte ainsi sur un conflit encore plus insolvable que celui du couple et davantage plus dur : les chamailleries entre sœur et frère. Ce genre de tension peut conduire à l'aliénation de chacun des protagonistes et fait crouler la famille.
Cette pièce d'Intissar Issaoui rappelle, entre autres, la fameuse citation d'André Gide : "Rien n'est plus dangereux pour toi que ta famille, que ta chambre, que ton passé." Cette aliénation proposée et mise en spectacle montre donc au spectateur les dégâts des luttes intestines entre membres d'une même famille : des entêtements à ne pas en finir pour faire sortir l'autre comme fautif et l'oubli total du pardon.
En d'autres termes, l'aliénation se traduit par la haine surplombant le pardon ; l'entêtement dominant la tendresse et le ressentiment dissipant la joie de la fraternité. La metteure en scène rajoutant encore une couche à cette ambiance morbide en disant que cette histoire est fondée sur un meurtre, un péché originel.
Scénographie
Issaoui dans sa pièce "Aliénation" revient aux principes de la scène vierge, nue, minimaliste avec une absence totale d'artifices en dehors de l'usage de la lumière pour signaler le passage des actes dramatiques. Le plus gros travail dans cette monstration est sur le maquillage et les costumes. Il est à signaler l'excellent travail des comédiens sur scène à savoir : Nacib Barhoumi, Asma Oueslati, Mouna Chennoufi et Jihed Yahyaoui. Ces comédiens ont bien rempli la scène par la qualité de leur jeu, leur charisme et les émotions très sincères qu'ils passaient au public.
Avis de la comédienne Yosra Trabelsi sur la pièce "Aliénation" d'Intissar Issaoui, ©culturetunisie.com
Pièce réellement à voir pour ceux qui savent savourer l'art, son rythme est très dynamique ainsi que son histoire très intéressante ; à tel point que le spectateur ne sent pas le temps passer.
Les vidéos dans l'article sont très bien faites....bravo!