Aïcha de Mehdi Barsaoui : au bout du tunnel, de l'espoir
- Mohamed Ali Elhaou
- 15 déc. 2024
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 févr.
Dans le cadre de la 35ᵉ édition des Journées Cinématographiques de Carthage, le public aura rendez-vous avec le film Aïcha de Mehdi Barsaoui. Dans ce film jouent par ordre d'importance : Fatma Sfar, Yasmine Dimassi, Nidhal Saadi, Mohamed Ali Ben Jemaa, Hela Ayed, le grand acteur Bahri Rahali, Riadh Hamdi, Younes Naouar et bien d'autres acteurs. C'est en effet le deuxième long métrage de ce cinéaste après Un fils diffusé en 2019. Ce film atterrit à Tunis après une tournée en Europe et en Amérique latine : ce long métrage est allé même en Argentine. Il a, à ce titre, reçu plusieurs prix.

Le film se situe, en substance, dans le même axe que celui de Kaouther Ben Hnia à savoir La Belle et la Meute, notamment dans son aspect thriller et dans la mise en cercle vicieux des personnages vivant en sursis. Le film Aïcha dure ainsi deux heures et raconte l'histoire d'une jeune femme, Aya Thaoui, originaire de Tozeur, travaillant dans un hôtel de la région : Mirage Palace. Elle vit avec ses deux vieux parents. Ces deux derniers comptent sur elle pour terminer les jours qui leur restent, tout en étant criblés de dette.
Dès sa jeunesse, Aya se trouve ainsi dans plusieurs goulots d'étranglements, au premier rang desquels le noyau familial. La jeune Aya rencontre plusieurs obstacles dans sa vie quotidienne. Elle est tiraillée entre la famille, un amoureux potentiel, Youssef, et le désir de changer de cadre, d'environnement socioculturel.
Changement brutal
Ce moment de changement viendra le jour d'un grave accident, le minibus du travail déraille, elle sera la seule rescapée du drame. Par les autorités, elle sera considérée comme morte. C'est l'occasion pour elle de se libérer du joug d'une société du sud, envisagée dans cette fiction, comme oppressive, source d'exploitation et très normée. C'est le moment pour elle donc de couper le cordon ombilical, de se séparer de ses parents et de leurs problèmes. Elle part à Tunis, perçue par Aya comme la ville de la liberté, avec une autre identité et de nouvelles espérances. L'accident est filmé d'une façon véridique, à tel point que certains plans sont insupportables par leur sincérité.
À Tunis, elle rencontre le monde de la nuit, ses déboires, ses opportunismes et ses plaisirs dangereux. Aya Thaoui sera confrontée à un meurtre, des accusations, des confrontations, des témoignages, et d'une ouverture d'un dossier d'instruction de la part de la famille de la victime. Le chemin dramatique du film prend alors la tournure du procès, il montre les cafouillages et des institutions dont les responsables savent la vérité du meurtre et essayent de la taire pour protéger les puissants. Malgré ces péripéties, le vent siffle toujours dans le bon sens, pour appuyer le parcours d'Aya. Au final, après moult problèmes en cascade, elle en sort ainsi indemne avec un autre nom : Aïcha. Ce nom est une métaphore pour mettre en relief une femme en survie.

Esthétiquement
Le film, surtout à son début, montre des plans et des images très reluisants de la ville de Tozeur. C'est la trame de l'installation du personnage principal. D'ailleurs, Fatma Sfar a bien porté le personnage d'Aya Thaoui deux heures durant (elle est presque dans toutes les séquences) et a bien étalé son très bon potentiel de comédienne. Elle est véritablement crédible tout au long de cette fiction. Aussi, Nidhal Saadi et Mohamed Ali Ben Jemaa ont été très convaincants. Nidhal Saadi en particulier a très bien incarné le rôle du policier intègre cherchant la vérité d'un meurtre, contre vents et marées. Il est en l'occurrence en constante progression au fil des rôles à la fois à la télévision qu'au cinéma.
Yasmine Dimassi a fait, à son tour, un travail remarquable au même titre que tous les autres comédiens. Ce qui est intéressant dans ce film est que Barsaoui a donné l'occasion pour de nouveaux visages dont le jeu brille le naturel : Younes Naouar.
Quelques bémols
Ce film, hyper attendu, depuis au moins un mois, sur nos grands écrans, suscite un brin de déception. Autrement dit, même s'il comporte une intrigue sous la forme de poupée russe, cette fiction comporte une lourdeur au niveau de la scénarisation. Ce qui donne un film extrêmement long : l'histoire aurait pu être dite en une heure dix minutes maximum. Il est saillant que Barsaoui montre son attachement très fort à certains plans dont il n'arrive pas à se débarrasser même s'ils ne sont pas très importants dans le cours de la dramaturgie.

Le film aura finalement gagné en originalité s'il se passait entièrement dans le sud. Cet endroit est bel et bien source de dépaysement pour le spectateur. Troisième grief, c'est l'absence d'originalité dans la narration. Certes, cette fiction a nécessité beaucoup d'effort dans son montage financier et dramaturgie, mais elle n'échappe pas malheureusement à l'impression du déjà-vu. À un certain moment de ce navet, le spectateur croit être devant une série de télévisions et pas vraiment devant une œuvre cinématographique.
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