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Mohamed Ali Elhaou, Asma Zribi et Ouael Nhidi

Abedlaziz Gorgi nait une deuxième fois au Palais Kheireddine à la Médina de Tunis

Un événement a bel et bien marqué le monde de l'art au tout début de cette année 2019. En effet, à l'occasion des dix ans de sa disparition, l'idée était de voir, de plus près, un certain mardi 5 février 2019, une remémoration de l’œuvre de l'un de nos plus grands peintres : Abdelaziz Gorgi. En l'occurrence, c'est la société "Talan" et la galerie Gorgi qui se placent derrière l'idée de l'organisation d'une exposition remettant en actualité la présence et l’œuvre multidimensionnelle d'Abdelaziz Gorgi. Celui-ci fût le peintre emblématique de l'État indépendant : qualification sans aucune exagération, car l'artiste avait signé de sa patte plusieurs édifices nationaux, à commencer par le Palais des Congrès de la ville de Monastir.


L'exposition semble ne pas être commerciale dans la mesure où la plupart des œuvres sont déjà vendues et sont désormais des  propriétés privées. Ce qui fait que les propriétaires de ces œuvres exposées n'ont pas hésité à partager ces œuvres d'art ; le temps d'un mois. L'idée est de faire connaitre surtout la qualité des travaux de Gorgi, tout autant aux visiteurs de la Médina, mais aussi aux jeunes générations qui dans leur grande majorité ne connaissent pas cet artiste prolifique, polyvalent et très habile.
Quatre femmes tunisiennes, Abdelaziz Gorgi @peinture exposée Palais Keireddine, Tunis, collection privée

D'ailleurs, il est à noter que l'artiste était très proche du président Bourguiba au point que le créateur avait décoré la résidence propre du président dans sa ville natale. Cet aspect lui a valu certains privilèges et un chemin plus facile vers la réussite et l'aura internationale.


L'exposition


L'exposition nommée “Gorgi Pluriel” a donc ouvert ses portes au Palais Kheireddine en plein cœur de la Médina, du 7 décembre 2018 au 10 février 2019. L’édition 2018 de l’exposition Talan englobe différents aspects du parcours artistique de Gorgi à travers 300 œuvres environ, composées de dessins, peintures gouachées ou au crayon, sculptures, timbres postaux, tapisseries, céramiques, installations picturales, sonores et même certaines reproductions de ses œuvres faites par ses étudiants.


L'idée de cet hommage vient principalement de sa fille, Aicha, qui tout en voulant convier l'esprit de son père, avait aussi en tête le souhait de faire parler de lui collectivement et de se souvenir de son passé en tant que créateur, travailleur de l'art, mais en même temps en tant que personnage public adulé de son vivant.


L'exposition semble ne pas être commerciale dans la mesure où la plupart des œuvres sont déjà vendues et sont désormais des propriétés privées. Ce qui fait que les propriétaires de ces œuvres exposées n'ont pas hésité à partager ces œuvres d'art ; le temps d'un mois. L'idée est de faire connaitre surtout la qualité des travaux de Gorgi, tout autant aux visiteurs de la Médina, mais aussi aux jeunes générations qui dans leur grande majorité ne connaissent pas cet artiste prolifique, polyvalent et très habile.


Une "expo" organisée par ambiance


Le la a été donné par le commissaire de cette exposition Nadia Jlassi le 7 décembre 2018. Cette exposition n'a pas négligé le volet pédagogique. Ainsi, des guides ont été mobilisés pour rendre accessible les œuvres de l'artiste. Ces travaux furent répartis par thèmes et sont soigneusement situés dans l'espace et le temps et sont accompagnés par des articles de presse. Quant aux guides, ils sont le plus souvent des jeunes étudiants des écoles de beaux-arts de Tunis et de Sousse, mobilisés pour l'événement.


À titre d'exemple, au sein du thème intitulé "École de Tunis", il est facile de trouver l’œuvre de Gorgi au milieu d'une panoplie de photographies rappelant la vie de l'artiste en compagnie, entre autres, de Ammar Farhat ou encore du grand Zoubeir Turki. À l'exposition, les peintures sont souvent peu peuplées : les sujets s’imposent sur la toile, amusants, gais, sympathiques et dégageant une grande réalité dans leurs expressions. Ces fresques sont pleines d’humour, d’ironie et sont jubilatoires comme un hymne à l'espoir et à l'espérance. Ses peintures à l’huile, ses aquarelles sont flamboyantes de couleurs et d’une grande modernité.


À vrai dire, l'univers de Gorgi est un peu enfantin. Cet univers est peuplé de couleurs vives et de formes rondes. Les moustaches de certains de ses personnages, leur nez ou l’ovale de leur visage évoquent des individus refusant l'aspect sérieux de la vie et qui mélangent le sacré et le profane sans prise de tête ou une quelconque course derrière le sens de la norme.


Les traces, pour ne pas dire les chefs-d’œuvre, que le peintre a laissées, racontent un monde festif, extravagant, nonchalant et peu soucieux. Ce sont des vérités, et non pas des représentations, qui, le plus souvent, échappent au cadre prédéfini, avec un ton humoristique rendant les situations les plus inextricables, sujettes au rire et à la dérision. Les inspirations de Gorgi sont principalement Picasso et Modigliani, mais il revient très vite à un style indigène et local. C'est ce qui fait sa forte appartenance à l'École de Tunis.


L'École de Tunis


L'École de Tunis était un mouvement artistique désireux de faire parler l'art tunisien en montrant ses singularités. Celles-ci sont exprimées fondamentalement dans un style ludique et minimaliste. Le dessein de ce groupement de créateurs, malgré son hétérogénéité culturelle, était de dire que la civilisation musulmane n'est pas et ne serait pas incompatible avec la représentation, le monde de l'art contmporain et la modernité. Aussi, la vocation de cette école était de rivaliser avec l'art occidental dominant le monde depuis le 18ᵉ siècle. Pour ce faire, une constellation d'artistes s'est donc réuni pour fonder cet art racontant le quotidien arabe dans la ville en toute simplicité, minimalisme et humour, avec une grande attention accordée au détail. Ce sont en l'occurrence : Ammar Farhat, Yahia Turki, Zoubeir Turki, Hédi Turki, Jellal Ben Abdallah, Ali Bellagha et Pierre Boucherle.


Un événement a bel et bien marqué le monde de l'art au tout début de cette année 2019. En effet, à l'occasion des dix ans de sa disparition, l'idée était de voir, de plus près, un certain mardi 5 février 2019, une remémoration de l’œuvre de l'un de nos plus grands peintres :  Abdelaziz Gorgi. En l'occurrence, c'est la société "Talan" et la galerie Gorgi qui se placent derrière l'idée de l'organisation d'une exposition remettant en actualité la présence et l’œuvre multidimensionnelle d'Abdelaziz Gorgi. Celui-ci fût le peintre emblématique de l'État indépendant : qualification sans aucune exagération car l'artiste avait signé de sa patte plusieurs édifices nationaux, à commencer par le palais des congrès de la ville de Monastir.
Au milieu d'une panoplie de photographies rappelant la vie de l'artiste en compagnie, entre autres, de Ammar Farhat ou encore du grand Zoubeir Turki. ©Asma Zribi

Au jour le jour, pour faire connaitre ce courant à travers le monde et principalement dans les grandes galeries internationales, la communication de ces oeuvres n'était pas axée sur cette opposition avec l'autre ; alors que le contexte de l'époque favorisait le conflit et l'adversité. C'était plutôt un message valorisant le travail artistique indigène, montrant ses capacités à s'universaliser, car il touche à la beauté de la vie quotidienne et à un style de vie assez reposant, fondé sur l'intéraction.


De ce fait, à propos de l'appellation "École de Tunis", selon France Boucherle, l'épouse de Pierre Boucherle, le fondateur et premier président de cette fondation : « Le nom École de Tunis a été trouvé par le rédacteur en chef du journal La Presse, le papier le plus fameux de l'époque, Pierre Girou, qui a dit en plaisantant : "Votre association, c'est l'École de Tunis ! comme l'École de Paris !" Ce nom a plu et il est resté ».


Le nom désigne, du moins à sa création, une association de peintres (français, italiens et tunisiens) qui sont liés donc par des rapports d'amitié. Certains des membres fondateurs comme Jules Lellouche, Moses Levy et Boucherle jouissaient déjà d'une petite reconnaissance locale, surtout auprès de l'élite tunisienne qui était à l'époque vraiment internationale, car composée de Maltais, Italiens et Français en grande majorité, ainsi que de la sphère du pouvoir entre autres beylicale. Au rythme des expositions et des commandes publiques obtenues par ses membres et des couvertures médiatiques, le sens premier s'est chargé d'autres valeurs, notamment celles de la qualité et de la représentation de la tunisianité.


L'appellation, le mode de fonctionnement du groupe, mais essentiellement le contexte historique de l'époque, ont valu à ses membres par conséquent reconnaissance et succès. En même temps beaucoup de critiques aussi. Principale cause : ils étaient perçus comme étant un peu à l'écart de la population et de ses préoccupations de libération du colonialisme. Cette dernière, en réalité, n'a pas su développer le goût pour l'art, pour le beau car occupée par les goulets d'étranglement liés à la routine de tous les jours sous l'occupation.


"Gorgi Pluriel", l'exposition au Palais de Kheireddine, était donc un véritable travail de mémoire accompagné de textes et de très nombreux documents d’archives. Ces derniers sont à creuser plus finement pour permettre aux chercheurs sur notre patrimoine ou bien aux férus de celui-ci d'améliorer leurs connaissances artistiques et historiques. Les traces artistiques d'Abdelaziz Gorgi ont réussi à sortir de l'espace esthétique et sont désormais exposées dans l’espace public, par volonté politique peut-être, mais ce qui est sûr, c'est qu'elles croisent le regard des passagers de tous les jours, notamment ceux qui passent à côté de l'entrée du parc Belvédère ; ce qui rend ce grand artiste éternel quoique pas toujours identifiable pour les moins connaisseurs.



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