« Houreya » de Toubel et Trabelsi : la fuite du terrorisme vers la liberté
« Houreya » est la nouvelle pièce théâtrale de la comédienne et dramaturge Leila Toubel et du compositeur et pianiste Mehdi Trabelsi. Cette pièce a été interprétée sur scène pour la première fois le samedi 25 février 2017. Ce spectacle musico-théâtral de 90 minutes produit par la société « L’art, une résistance » est vu comme une suite mûrie de « Solwen », pièce très réussie, mettant la barre très haut pour Leila Toubel, qui a dû travailler dur pour réitérer ce succès.
Le vendredi 21 avril 2017, nous nous sommes rendus à la salle du 4ème art pour voir « Houreya ». Le prix des billets variait entre 30 et 50 dinars; sans tarifs pour étudiants ou journalistes. Il n'en demeure pas moins que le spectacle est organisé en collaboration avec l’association « L’enfant d’abord » et que ses revenus contribueront au financement d'un projet de réalisation d'un espace culturel au sein de l'école dans le gouvernorat de Kairouan. Ce projet est estimé à 50 mille dinars.
Après « Solwen », qui s’est voulue tunisienne pure et qui a parlé des remue-ménages de ce pays, 3 ans après la révolution, « Houreya » est un projet artistique optant cette fois pour une trajectoire plus universelle, à travers le thème du terrorisme qui n’épargne plus aucun pays au monde.
La musique mariée à la mise en scène
Pour parler de la violence, l’horreur, la mort, mais aussi d’amour, de la paix, de la vie, « Houreya » a choisi de faire l’alliance entre la musique et le théâtre. Théâtre et musique se sont en effet enlacés sur scène. Le public a assisté à la douceur du piano dans une parfaite association avec la rage de la comédienne.
« Houreya » est présentée comme une histoire d’amour impossible au milieu d’une guerre qui menace les vies et noircit les couleurs du rêve. Au milieu des décombres d’une radio « Paix FM », anéantie le jour de son inauguration par un attentat terroriste, une journaliste survivante et un pianiste, résistant au ravage, continuent à présenter l’émission et nous racontent alors « Houreya » en dialecte tunisien avec une intonation à la fois sublime et tragique, comme un conte musical, au milieu des ruines.
Leila sur scène : la rage de convaincre
Malgré son corps maigre et affaibli, la comédienne a su habiller la scène par son énergie débordante, son enthousiasme et sa vivacité, faisant un transfert des sentiments fluide au public à travers sa gestuelle harmonieuse et ses émotions tantôt faites de pleurs et de désolation, et tantôt de rires et d’humour noir. Le triomphe de l’amour, perçu comme un message d’espoir et de vie contre l’obscurantisme et la mort, nous renvoie encore une fois aux contes de fées où bien et vertu finissent par triompher contre les forces du mal.
Malgré le texte très poétique et l’histoire innovante, le message transmis au public reste très direct et ne laisse point au spectateur la possibilité d’interprétation et de réflexion autres que celles de l’auteur. Il est évident que face au terrorisme, les points de vue ne doivent point diverger et la prise de position se doit d’être uniforme, mais d’autre part, le non-dit en dit parfois plus que le dit directement, et le message artistique est mieux perçu en étant implicite par risque de tomber dans le discours politique cru. Avec la grande marge de liberté d’expression obtenue après « la révolution du 14 Janvier », le traitement de sujets politiques par des œuvres d’art est sans doute appréciable, mais nous craignons que le discours direct dans les arts, notamment le théâtre, prenne le devant de la scène et que les prestations artistiques se transforment petit à petit en prestations politiques.
Nous ne pouvons pas terminer sans donner un bon point pour la recherche et l’originalité dans le titre « Houreya ». En effet dans « Houreya », on retrouve cette dualité entre Houreya dans le sens de la Liberté, et Houreya pour dire « vierge du paradis », pour laquelle la majorité des crimes terroristes religieux sont commis, et entre les deux, il y a tout un monde.
Haythem Benzid