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"100 ans d'amertume", une thématique d'une panoplie d’œuvres narrant l'inadaptation comme premier pas vers une expression totalement libre
- Mohamed Ali Elhaou
- 14 juin
- 4 min de lecture
À l'espace El teatro jusqu'au 21 juin courant, à Tunis, les amateurs des arts plastiques peuvent aller voir les œuvres de Souhir Hosni, une peintre autodidacte. Elle est née le 10 août 1978 à Tunis et fait l'ensemble de son cursus scolaire et universitaire à Tunis, notamment à la faculté des sciences Juridiques, Politiques et Sociales de Tunis où elle a poursuivi ses études jusqu'au diplôme de troisième cycle. Actuellement, elle est juge.
La rencontre avec le monde de l'art a commencé, selon elle, à travers une idée. Elle aime mettre des couleurs sur des croquis depuis l'âge de l'adolescence. L'art, pour elle, fut, est toujours, un accompagnement de parcours.
À partir de 2016, elle a voulu apprendre les techniques de façon normée, comme c'est le cas dans tout champ artistique contemporain, pour qu'elle puisse faire sortir son imaginaire à travers de la matérialité esthétique. Cette professionnalisation a démarré en 2016 à Nabeul, dans l'atelier de l'artiste peintre Héla Rouissi situé au centre-ville de Nabeul.
Lors de cette formation, elle dit avoir un "déclic". Tout en sachant qu'avant cette formation, elle avait participé en tant qu'artiste amateure à des expositions collectives par le biais des œuvres qui ont reçu de bons échos auprès notamment des critiques d'art, elle cite en particulier Mohamed El May, mais aussi des collectionneurs. Son démarrage véritable dans le monde de l'art contemporain débute à travers cette exposition intitulée "100 ans d'amertume et poisson d'espoir", que Souhir Hosni a entamée en 2023.
La clé de son travail, c'est l'expression de "manière facile" des visages ainsi que des lignes qu'elle a tant rêvé de dessiner. De fil en aiguille, dit-elle, "j'ai pu trouver mon propre style de peinture". Aujourd'hui, elle a sa propre expérience qu'elle nourrit dans son atelier à Nabeul.
En tant qu'artiste confirmée désormais, elle travaille rarement sur commande. Elle s'inspire du quotidien pour mettre en couleur les images qui passent par son esprit. Le moindre détail, "même une séquence, un décor à la télévision, peut m'intéresser", dit-elle.
Sa méthode, c'est de travailler sans contrainte de temps, elle cherche la tranquillité et veut sortir du "carcan de l'injonction" et de l'immédiateté. Dans une exposition intitulée "100 ans d'amertume et poisson d'espoir", la peintre Souhir Hosni met en dialectique la beauté et une quotidienneté aliénante. Ces tableaux communiquent avec l'être universel et racontent, dans un style qu'elle qualifie de "surréalisme modéré", des situations de couple et invitent à la prise de répit dans un monde qui écrase l'individu et impose une violence à son corps.
Ce sont donc des œuvres qui appellent à la libre expression, à l'air libre et qui réfléchissent sur le vécu de l'individu, du couple et ses turpitudes.
Le visage des personnages dans les peintures de Souhir Hosni peut provenir du monde entier. En d'autres termes, ils ne sont pas ancrés dans la tunisianité et ses emprisonnements. La plupart de ces personnages dépassent la quarantaine.
Les couleurs de la majorité de ses tableaux sont vives, dominées par le marron, le bleu et la couleur verte. Dans cette palette d’œuvres exposées en ce moment, il y en a deux qui sont en noir et blanc. Les corps dessinés et représentés sont à la fois sveltes et musclés. Le contemplateur de son art aperçoit, à peine, les yeux des personnages exposés.
Ceux-ci apparaissent à la fois comme relaxés, mais en même temps anxieux ; ils sont à la recherche de la tierce personne : le bonheur, l'extra-conjugal. Ils sont tout autant tristes et insouciants. Plusieurs de ces personnages sont aussi nonchalants, pleins d'amertume, de rêves brisés et de révolutions inachevées, regardant ailleurs.
En outre, le poisson est presque toujours présent dans les œuvres de Souhir Hosni, c'est un personnage sublimé, tantôt mis dans la position d'arbitre mesurant le degré de symbiose, d'entente dans la relation entre l'homme et la femme. Dans d'autres configurations, c'est un personnage apportant la sensualité, la caresse, les désirs invisibles, inassouvis, incomplets, et c'est aussi, dans d'autres situations, tout simplement la douceur dans un monde de bruts.
Les scènes présentées dans cette exposition sont généralement internes, elles renvoient à l'univers du domicile. La peintre Souhir Hosni se qualifie comme "une incendiaire de beauté". Elle qui est juriste de formation, avec l'arrivée de la quarantaine et ses interrogations, et après avoir vécu les moult secousses et les traumas à la fois collectifs et individuels en tant que citoyenne et artiste du monde, veut à travers ses tableaux "mettre le feu aux meules du silence" dans une perspective de réalisme magique et subliminal.
Par son art, elle désire "embraser les couches épaisses de lassitude", notamment celles qui traversent la vie de couple dans une société, des sociétés, qui offre peu d'opportunités au bonheur.
Exprimant l'identité de ses œuvres, elle dit "ce ne sont pas des œuvres à contempler", quoique l'observateur ne peut pas rester inerte face à l'originalité des connexions que la peintre lui propose. Alors, de quoi s'agit-il ? Selon Souhir Hosni, ses tableaux sont des actes totaux, tantôt de révolte pour rendre compte d'une beauté asphyxiée, mutilée, obstruée et qui est empêchée de s'exprimer dans sa plénitude.
En ce qui concerne le volet technique, ces tableaux recourent à la peinture à l'huile. D'autres utilisent la technique mixte, à savoir l'huile sur papier. Les fresques ont une empreinte à la fois magique et surréaliste, comme mentionné plus haut.
Souhir Hosni pense que l'art ne doit pas être nationaliste, il est par essence mondial et international car il parle à l'Homme/Femme dans son universalité et communique avec sa condition tragique. Pour elle, la liberté est la clef de tout. Liberté sans peur des pressions et conventions sociales, culturelles et cultuelles. Souhir Hosni dit mettre au final en image la violence, dans toutes ses formes, imposée sur la vie des individus et de leurs corps. Cette violence passe également en silence et elle est produite tout simplement par l'effet du passage du temps.
Aux yeux de Souhir Hosni, le tableau ne peut pas être seul dans un vide, il est conçu, selon elle, pour être avec un objet, un animal, son double, un esprit, et dans le futur peut-être d'autres choses encore. Elle affirme que ses tableaux sont des choses théâtrales, une photographie théâtrale du quotidien, un ensemble d’interactions inventées qui émergent du lot de la routine et du désenchantement.
J'ai eu la chance de visiter cette incroyable exposition de peinture et je dois dire que c'était tout simplement magnifique! Les œuvres étaient à couper le souffle, chaque détail était soigneusement pensé et l'émotion transmise par les artistes était palpable. Je ne peux que recommander à tous de venir voir cette exposition, vous ne serez pas déçus!
Merci pour cet article écrit avec une grande sensibilité...cela donne envie de voir cette exposition